Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

La Cigale et la fourmi

La Sedjine et la Feurmi

 

Dans les patan’s et la mougette,

Dans l’meuil, lés maïs et lés bettes,

La sedjine avet pas cessé

D’faire aller sa goule tout l’été.

Elle pouvet bé keum lés aut’s baïtes,

Ramasser d’qua peur seun hiver,

Mé alle étet teurjous en faïte,

Pis a dijset : « Qu’est-o qu’o sert ?

Daux grains, daux vers, daux ramazeuilles !

Ol a qu’a s’besser p’r en manger.

Est pas ma qui vu en cacher,

Bé sur, darr’lés mincès d’fourneuille ! »

Dame, o sit in été p’r esprès,

Qui  durit bé jusqu’aux vendanges ;

L’minde aviont figni a pu près

D’ rentrer les darries dans lés granges,

Mé, in bé matin, malheureux !

Iau avet g’lé dans les lav’rasses ;

Les osès s’cachiont dans les creux,

Les paillers, lés bouillées d’erasse,

Lés vers étiont rentrès teurtous ;

Su p’tchit d’grain qu’étet su lés plaïes

Etet dev’nu dur c’m in caillou ;

V’la ma sedjine bén embêtaïe.

Mé c’ést qu’alle avet d’appétchit,

Pis o ii djiset rin d’fair’ june ;

Alle alla trouver la feurmi,

Singeant qu’alle avet d’la fortune.

A ii djissit : « Pet-o v’parler ?

I sé votr’ voisin’, la sedjine.

Pensez qu’i rin rac à manger,

I pé s’ment pas trouver d’vermine.

Si v’ veuliez m’ prêter in quartao

Séj’ de mouch’s, de vers, bé din d’graines,

L’été prochain, o m’ f’ra pouet d’ peine

D’en rendr’ le doubii si ol o fao.

-Ah ! fit la feurmi, hier encor’,

V’ chantchirez tot’ la saint’ jornaïe ;

L’été veutr’ goule allet si fort

Qu’ i en faisiins pas la meurionaïe ;

Astur’ v’ pouvez bé kintchinuer

Peur ma jusqu’à la fin d’ annaïe.

Peur changer v’pourriez p’t-êtr’ danser,

Veutr’ goule en s’ret moins fatchiquaïe,

Pis, l’djisont qu’ol endort la faim.

C’m asture i sins su l’coup daux viaies,

V’porrez danser jusqu’au matin ;

V’s arrétrez quand v’s arez l’ jambiin ».

 

 

La Cigale et la fourmi

 

Dans les patates et la mogette,

Dans le mil, les maïs et les betteraves,

La cigale n’avait pas cessé

De faire aller sa bouche (de chanter) tout l’été.

Elle pouvait bien comme les autres bêtes

Ramasser de quoi manger pour son hiver,

Mais elle était toujours en fête.

Puis elle disait : » A quoi ça sert ?

Des grains, des vers, des insectes !

Il n’y a qu’à se baisser pour en manger.

Ce n’est pas moi qui veux en cacher,

Bien sûr, derrière les tas de feuilles ! »

Dame ! c’était un été pour fait exprès

Qui dura bien jusqu’aux vendanges ;

Les gens avaient fini à peu près

De rentrer les dernières récoltes dans les granges.

Mais un beau matin, Malheureux !,

Il avait gelé dans les éviers ;

Les oiseaux se cachaient dans les creux,

Les paillers, les massifs de ronces ;

Les vers étaient tous rentrés ;

Ce petit grain qui était sur le sol

Était devenu dur comme un caillou ;

Voilà ma cigale bien embêtée.

Mais c’est qu’elle avait de l’appétit.

Et puis ça ne lui disait rien de faire jeûne,

Elle alla trouver la fourmi,

Pensant qu’elle avait  de la fortune.

Elle lui dit : « Peut-on vous parler ?

Je suis votre voisine, la cigale.

Pensez que je n’ai rien à manger.

Je ne peux seulement  pas trouver de vermine.

Si vous voulez me prêter une boîte

Soit de mouches, de vers ou bien de graines,

L’été prochain, je n’aurai pas de peine

D’en rendre le double s’il le faut.

-Ah ! fit la fourmi, hier encore

Vous chantiez toute la sainte journée ;

L’été vous gueuliez si fort

Qu’on ne pouvait pas faire la sieste ;

Maintenant vous pouvez bien continuer

Pour moi jusqu’à la fin de l’année.

Pour changer vous pourriez peut-être danser,

Votre voix en serait moins fatiguée,

Et puis on dit que ça endort la faim.

Comme maintenant on arrive aux veillées,

Vous pourrez danser jusqu’au matin ;

Vous vous arrêterez quand vous aurez la sciatique ».

 

 

cigale_fourmi

 

Rédaction et traduction Jean-Pierre Bouchet

 

 

 



20/10/2019
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