Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

L'anguille européenne

L'anguille des marais

 

Autrefois omniprésente dans tous les marais elle est aujourd’hui en voie de disparition et même considérée comme espèce menacée et protégée (juin 2007) et par un plan de gestion en France (février 2010).

 

Telle est la dure réalité de l’anguille où même l’eau nécessaire à son épanouissement n'est plus aussi abondante qu'auparavant (disparition des zones humides)

Partons à la découverte de l’anguille d’Europe, un poisson migrateur plein de mystères.

Tentons aussi de comprendre les raisons de sa raréfaction dans le Marais Poitevin.

 

SUIVI ET ESTIMATION DU RECRUTEMENT DE LA SEINE EN ANGUILLE EUROPÉENNE           La migration des poissons en Belgique - Notre Nature

 

L’anguille n’est pas un reptile contrairement aux apparences ! Il s’agit bien d’un poisson malgré son corps serpentiforme. Les plus grosse anguilles peuvent atteindre la taille d’1 mètre 50 et peser jusqu’à 5 kilos mais seules les femelles anguilles peuvent atteindre cette taille extrême. Chez les anguilles, le mâle est le sexe faible car les plus gros individus sont des femelles. La durée de vie d’une anguille varie de 10 à 15 ans.

 

L’odorat de  l’anguille est très développé ce qui en fait l’un des plus coriaces prédateurs des marais : écrevisses, batraciens, mollusques d’eau douce, vers, larves, insectes aquatiques et même petits poissons, le menu est très varié. L’anguille peut également se montrer charognard si l’opportunité d’une proie morte ou blessée se présente.

Son corps allongé et flexible lui permet également de se faufiler dans les moindres recoins des canaux des marais à la recherche de ses proies, entre les plantes aquatiques, les vieux troncs d’arbres immergés et les racines des frênes têtards.

L’anguille chasse principalement durant la nuit.

 

Elle est également capable de s’aventurer dans les canaux peu profonds et les champs faiblement immergés lors des crues hivernales et même dans l'herbe humide. Elle respire plus par sa peau (75%) que par ses branchies (25%). En cas de prise au piège dans des mares et des coins d’eau isolés, sa capacité de survie et de déplacement hors de l’eau peut atteindre plusieurs heures.

 

Une voyageuse venue du nouveau monde

 

Christophe Colomb a découvert l’Amérique en 1492 mais l’anguille traverse l’Océan Atlantique depuis des millénaires !!

C'est une grande migratrice !

 

C’est ici que réside tout le mystère de l’anguille :

 

  • sa reproduction dans la Mer des Sargasses au large de l’île de Cuba et de la Floride.
  • son retour dans le même lieu.

Incapable de se reproduire dans nos eaux européennes, l’instinct reproducteur de l’anguille la pousse à revenir en fin de vie (dévalaison nocturne) vers son berceau d’origine, la mer des Sargasses.

Quels mystères attirent l’anguille européenne dans cet endroit du globe ? Les scientifiques n’ont toujours pas trouvé de réponses définitives à la question…et peut être la mer des Sargasses ne serait pas l'unique lieu de reproduction pour les anguilles européennes.

 

carte migratoire de l'anguille d'europe

 

Toutes les anguilles européennes naissent dans les profondeurs de la mer des Sargasses. Elles ne sont au début que des larves leptocéphales.

 

 

A l’état de larves, elles entament déjà leur long voyage vers nos côtes, bien aidées par le courant marin du Gulf Stream et les champs magnétiques terrestres.

 

Une fois parvenue sur nos côtes après un à deux ans de voyage, les larves sont devenues « civelles » et atteignent la taille de 5 à 8 centimètres (les fameuses « pibales » comme on les appelle dans le marais). Elles vont alors commencer à migrer vers l’eau douce en remontant nos cours d’eau. Leur chair translucide se colore. Son dos devient brun et ses flancs jaunissent. Ces petites anguilles sont appelées anguillettes. Les anguilles en pleine croissance sont alors appelées « anguilles jaunes ».

 

Civelles ou pibales

 

 

En fin de vie, après 10 à 12 ans d’existence, et avant d’entamer son long retour vers la mer des Sargasses pour se reproduire, l’anguille change de nouveau sa couleur de robe. Son dos noircit et ses flancs prennent une couleur argentée. Elle rejoint alors les estuaires pour traverser l’Océan Atlantique durant 8 à 10 mois sur un périple de plus de 6000 kilomètres puis elle meurt en mer des Sargasses après s’être reproduite fatiguée par une vie pleine de voyages.

 

 

 

La pêche de l’anguille dans le Marais Poitevin

 

L’anguille étant un poisson en voie de disparition, sa pêche à l’état de larve (civelles) ou adulte est donc extrêmement réglementée. Depuis l’année 2008, elle est inscrite à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

Cette réglementation vise à réduire sa pêche et son commerce à tous les stades biologiques de son évolution.

L’enjeu est primordial si l’on veut préserver les générations futures d’anguilles.

Dans le Marais Poitevin, comme partout en France, il est interdit de pêcher l’anguille argentée, cette anguille reproductrice qui redescend nos cours d’eau pour rejoindre la mer des Sargasses.

 

La pêche de l’anguille jaune est autorisée mais un quota de pêche et certaines obligations légales sont imposées. Par exemple, un plan national de gestion de l’anguille (Décret 2010-1110), impose à tout pêcheur l’obligation de tenir un carnet de capture de l’anguille (*). La taille minimale de capture de l’anguille jaune est de 12 cm.

 

(*) - Document Cerfa disponible sur le site : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R21844

Formulaire : https://www.formulaires.service-public.fr/gf/cerfa_14358.do

 

https://lemagdesanimaux.ouest-france.fr/images/dossiers/2020-09/anguilles-132644.jpg

 

 

Les techniques de pêche de l’anguille dans le Marais Poitevin

 

  •  La pêche de la civelle (jeunes anguilles) est extrêmement réglementée et contrôlée. Définie sur une période relativement courte de l’année, du 1er décembre au 15 avril, elle vise à permettre à un maximum de jeunes anguilles de parvenir jusqu’à l’entrée de nos rivières. Sa pêche s’effectue en mer au niveau de la Baie de l’Aiguillon et est réservée aux professionnels. Un quota de pêche annuel maximum est à respecter. Les bateaux partent de nuit et utilisent des lampes (les civelles sont par nature attirées par la lumière) et 2 grands tamis de maximum 1,20 m de large pour capturer les civelles.

 

  • La pêche de l’anguille jaune : Une carte de pêche et un carnet de capture sont bien entendu obligatoires. Sa pêche est autorisée du 1er avril au 31 août pour les anguilles supérieures à 12 cm.

 

 

Pour pêcher l’anguille jaune dans le Marais Poitevin, différentes techniques de pêche sont disponibles :

 

  • La pêche à la ligne avec hameçon

 

  • La pêche à la nasse et la bosselle (nasse en forme de L). Sous autorisation, le nombre de bosselles et de nasses anguillères est limité à 3 maximum par pêcheur.

 

  • La pêche à la vermée: la pêche traditionnelle du Marais Poitevin sans hameçons et avec un parapluie !! Désormais, cette pêche n’est autorisée que durant la journée (et maximum 30 minutes après le coucher du soleil). Plusieurs vers de terre sont enfilés à l’aide d’une aiguille sur un fil de coton jusqu’à former une pelote de chair bien compacte. Fixée à une canne à pêche, la pelote est mise à l’eau en attendant que morde l’anguille. A la moindre touche, on remonte la canne avec l’anguille mordant dans la pelote au-dessus du parapluie ouvert. L’anguille ayant compris l’entourloupe, elle ne tardera pas à lâcher prise et tomber directement dans le parapluie.

 

 

  • D’autres techniques de pêche ancestrales du marais sont désormais interdites : la cordelle (ligne de fond), la fourche (foëne ou salaes) et le fagot de bois.

 

Attention : La pêche de l’anguille argentée (prête à se reproduire) est interdite durant toute l’année et doit être impérativement relâchée en cas de pêche accidentelle.

 

   

                      Foëne ou Salas                                                               Bosselle en osier

 

Nasse à anguilles : Dimensions : Longueur dépliée : 42cm env. (2 x... |  Download Scientific Diagram Nasse à anguilles, grillage plastifié - Ducatillon

                                                  Nasses à anguilles

 


La chair de l’anguille : un plaisir inimitable pour les papilles

 

La dégustation de civelles est un mets très recherché mais surtout, quota de pêche oblige, très coûteux ! La civelle se cuisine à la poêle, frite avec de l’ail, de l’huile ou du beurre. C’est un plat fin et savoureux à la chair ferme et blanche.

 

L’anguille adulte est un poisson à la chair assez grasse et riche en oméga 3 que l’on cuisine selon différentes recettes.

Notre préférée reste l’anguille fricassée. Après l'avoir dépouillée et vidée puis coupée en plusieurs morceaux, faire revenir la chair de l’anguille à la poêle et au beurre sur toutes ses faces et rajouter de l'ail et du persil en fin de cuisson !

 

Fricassée d'anguilles - Recettes - Cuisine française

 

L’anguille peut également se déguster en matelote au vin rouge, grillée sur sarments de vigne ou fumée.

Certaines régions proposent également du pâté d’anguille ou en terrine.

 

L’avenir de l’anguille dans le Marais Poitevin

 

Depuis plusieurs années, l’anguille est de moins en moins présente dans les canaux du Marais Poitevin. Un Plan de gestion français pour la sauvegarde de l’anguille existe mais il est encore difficile de comprendre toutes les raisons de cette raréfaction.

La combinaison de plusieurs facteurs pourrait expliquer ce phénomène :

 

  • La perte de la qualité de l’eau : Comme de nombreuses espèces aquatiques, elle est sensible à la qualité de son environnement.

 

Les pesticides, engrais, nitrates et autres produits chimiques utilisés depuis plusieurs années par l’agriculture intensive et les activités humaines sur les bassins versants du Marais Poitevin, suivent le cheminement de l’eau jusqu’à se retrouver dans l’eau du marais en aval. Ces données de pollution de l’eau sont déjà prouvées par plusieurs études scientifiques sérieuses sur le sujet comme celle sur la loutre ou les prélèvements d’eau réalisés en sortie du marais au niveau de la Baie de l’Aiguillon.

 

Par exemple, des autopsies réalisées sur des loutres retrouvées mortes dans le Marais Poitevin (pour la plupart renversées par des véhicules) montre la présence de pesticides dans leur foie.

 

  • La destruction de son habitat naturel : Actuellement, par manque de main d’œuvre, le marais se meurt. De nombreux canaux ne sont plus entretenus et la nature reprend ses droits. Les canaux s’envasent et disparaissent, quand ce n’est pas l’Homme qui rebouche volontairement certains canaux (c’est plus facile que de construire un pont…). C’est autant d'endroits et de cachettes potentielles en moins pour l’anguille.

 

  • Les obstacles à sa migration naturelle : Le Marais Poitevin est composé de nombreux ouvrages hydrauliques destinés à gérer toute l’eau du territoire :

-Faciliter l’évacuation des eaux hivernales en périodes de crue

-retenir suffisamment d’eau pour la période estivale (pour la navigation touristique, la pêche et l’agriculture).

 

Le problème est que de nombreuses écluses forment un barrage artificiel non franchissable pour la faune aquatique et empêche toute remontée des poissons migrateurs vers l’amont des rivières. Depuis quelque temps, de nombreuses écluses se sont dotées de « passes à poissons » mais toutes ne sont pas aménagées… A ce jour ce sont 30 passes à poissons qui sont installées sur 19 ouvrages hydrauliques du Marais poitevin, dont 3 sont “toutes espèces” (Aqueduc de Maillé – Marais Pin- La Sotterie) et sont maintenues en service par l’IIBSN (Institution Interdépartementale du Bassin de la Sèvre Niortaise) et l’État.

 

 

  • Le braconnage de la pêche des civelles et des anguilles argentées :

 

Nous l’avons vu précédemment, ces deux pêches sont extrêmement réglementées. Mais comme partout dans le monde, il existe une part de braconnage qui nuit à la population d’anguilles dans le Marais Poitevin. De fortes amendes et la suspension de la licence de pêche sont encourues voire de la prison et la confiscation du bateau.

La pêche à la civelle est aussi à la base d’un trafic international illégal en direction de l’Asie où le kilo de l’espèce se monnaie jusqu'à plus de 5000 euros.

 

L’anguille fait partie intégrante du Marais. A la fois prédatrice et proie pour de nombreux animaux et pour l’Homme, sa raréfaction est inquiétante pour le marais.

De nombreuses actions pour faciliter sa sauvegarde sont engagées mais pour l’instant les résultats peinent à convaincre. Son rôle écologique est pourtant primordial pour le marais surtout dans le cadre de la lutte contre de nouveaux envahisseurs dont elle particulièrement friande : les écrevisses américaines.

 

Rédaction JP Bouchet ALT 7-2022

Sources : blog-marais-poitevin.fr

     Wikipédia



30/07/2022
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