Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Le renard et le bouc

 

Le Renard et le Bouc

fable Jean de La Fontaine : le renard et le bouc

 

Le R'nard et l'Bouc

 

D'abord, ést bé c'm o s'etét djit,

L' bouc avet pouet akinsentchi

A s'en aller fair' tchett' viraïe,

Mé le r'nard, fin forc' de l' beuz'ler,

Avet figni peur l'enjôler,

Pis l'emm'ner à tchir la fouraïe.

Peurtant, d'la chaleur qu'o faset,

I arions bé meux fait, bé daux foués,

D'rester à fair' la meurionaïe.

Tchés baït's  adjiront pouet besoin

D' faire ensembie un grand bout d' chemein

Qu'a siront bé vite achalaïes;

D'après c' qu'a djit l' bounhomm' Rabot,

L' tchiront in' langu' lingu' keum min bot

La sâ tardjit pouet à lès prendre;

Aussi dés qu' l' viront in pouet,

L' se 'r garjiront pouet à deux foués

Peur saouer' si l' deviont descendre.

Est d' qua qu'a bén été s' tout fait,

La dorn' les a bé djèr gein-nés;

Pis, dés que l' siront à portaïe,

I en lapiront bé d' bounes lampaïes.

Enfin, au bout d'in p'tchit moument,

Quand i en adjiront lu kintent,

Mé sans en bouer' pus qu'lu mesure,

Le r'nard fit : " Dans l'état qu'i sins,

I cré bé qu'o s'ret pouet trop sain

De muser là in' grand' foué d' hures;

I arins bé vite ine échauffure,

Est  d' qua d' la magnér' qu'ést pouet bin.

Aussi v'la c' qu' i ava singé faire :

V's allez v's accoter d'kintr' tchette pierre,

Ychellé qu'ést beurnaïe d' bav' de luma,

En m' deursant d'bout su vos deux cornes,

I Arai bé vite ag'nu la dorne;

Pis, in' foués qu'i  s'rai d'hors  dau pouet :

I courrai vite chercher l'étache

Qu i  avins vu à couté d' chett' vache,

I v' la garoch'rai bé sain-n'ment,

Ve v's  envroill'rez bé c'm o fao d'dans,

D' main-me i ve r'tchir'rai  ésément."

L' bouc, qu' ést in' baït' qu'a pouet d' méfiance,

I a bén été en tout' kinfiance.

Mé, quand l'aotre a-t-été sortchi,

En ur de fair' keum  i avet djit,

C'm ést in' baït' qu' ést pouet nett' de vice,

Le v'lit agit avec mallice;

Le s' penchit su la dorne dau pouet,

Pis l' djissit au bouc : " Ecout' bé !

Ta cervell' det pouet étr' b' sain-ne,

Si t'avais aussi grous d' raisin

Keum le balai qu' tas d'sso l' meutin,

Astur' , tu s'ras pouet dans tchés pein-nes,

T'aras pouet descendu dans l'bas,

Sans saouer' si t'en sortchiras;

Ma i ai pas l' temps d' m'occuper d' ta.

Si i trouv' de tin mind' peur là,

Faut o djir que l'sintchétions ? "

Neutr' bouc  beuclet à perdre halein-ne;

La mintaïe dau pouet en trembiet,

La pauv' baïte a feset pidé.

" Més ptchits m'attrendront peur teter,

Fit le r'nard, a rouer' port' te bé. "

 

Le Renard et le Bouc

 

D'abord, c'est bien comme il s'était dit,

Le bouc n'avait point consenti

A s'en aller faire cette virée,

Mais le renard à force de le harceler,

Avait fini par l'embobiner,

Puis à l'emmener à travers la forêt.

Pourtant, à la chaleur qu'il faisait,

Nous aurions bien mieux fait, bien des fois,

De rester faire la sieste.

Ces bêtes n'auront pas besoin de faire un grand bout de chemin qu'elle seront vite accablées de chaleur.

D'après ce qu'a dit le bonhomme Rabot,

Ils tiraient une langue longue comme mon sabot

La soif ne tarda pas à les prendre;

Aussi, dès qu'ils virent un puits,

Ils ne se sont pas regardés à deux fois

Pour savoir s'ils devaient descendre.

Et c'est ce qui a été fait,

La margelle ne les a guère gênées;

Puis, dès qu'il seront à portée,

Ils en laperont bien de bonne lampées.

Enfin, au bout d'un petit moment,

Quand ils en auront leur comptant,

Mais sans en boire plus que de mesure,

Le renard fit : " Dans l'état qu'on est,

Je crois bien qu'il ne serait pas très sain

De traînasser là très longtemps;

Nous aurions bien vite une congestion.

Et ceci de pas bonne manière.

Aussi, voilà ce que j'ai pensé faire :

Vous allez vous appuyer contre cette pierre,

Celle qui est brillante de bave de luma.

En me dressant debout sur vos deux cornes,

J'aurai bien vite atteint la margelle;

Puis, une fois que je serai en dehors du puits : 

Je courrai vite chercher l'attache

Que nous avions vue à côté de cette vache,

Je vous la jetterai bien prudemment,

Vous enroulerez bien comme il faut dedans,

Ainsi je vous retirerai facilement."

Le bouc, qui est une bête qui n'a pas de méfiance,

Y a bien été en toute confiance.

Mais, quand l'autre a été sorti,

Au lieu de faire comme il avait dit,

Comme c'est une bête non sans vice,

Il voulut agir avec malice;

Il se pencha sur la margelle du puits,

Puis il dit au bouc : " Écoute bien !

Ta cervelle ne doit pas être bien saine,

Si tu avais aussi gros de raison

Comme le balai que tu as dessous le menton,

Aujourd'hui tu ne serais pas dans ces malheurs,

Tu n'aurais pas descendu en bas du puits,

Sans savoir si t'en sortirais;

Moi, j'ai pas le temps de m'occuper de toi.

Si tu trouves des tiens par là,

Il faut leur dire qu'ils te cherchent? "

Notre bouc beuglait à perdre haleine;

La muraille du puits en tremblait, 

La pauvre bête elle faisait pitié.

" Mes petits m'attendent pour téter,

Fis le renard, au revoir, porte toi bien. " 

 

 

ALT - 8- 2025 - Traduction JP Bouchet

Tiré du livre "Fables en parler vendéen" d'Eugène Charier - 1976

 



13/08/2025
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