Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Les frelons, les guêpes et les abeilles

Lés burgaos,lés djaïpes et lés abailles

 

LES FRELONS ET LES MOUCHES A MIEL JEAN DE LA FONTAINE

 

Lés burgaos, lés djaÏpes et lés abailles

 

N’on djit daux foués, ventaïe avec raisin,

Qu’au pai dau mur on ouet l’ macin.

Si ve m’ prétiez seurment quuqu’s minut’s d’attentien,

I v’’ rakint’ra la’d’ssuus in’ fabie à ma facin.

 

In’ foué, dans l’ mitan d’in’ fouraïe

Ol  avet daux braïches de cachaïes

 

Dans in’ creusott’ de châgn’ tétard.

Tchés braïch’s étiont pouet la p’r in’ effet dau hasard.

Daux djaïp’s, qui s’ disputiont avec un tas d’abailles,

Veliont lés aouer ‘ vaill’ que vaill’.

En tout cas, peur le moins, a rékiamiont lu part.

 

A prétendiont qu’à lu-z-idaïe,

Lés abaill’s alliont pouet jouquer dans lés fouraïes,

 

Q’alle aviont coutum’ d’  loger

Dans les bournets.

Mé lés abaill’s, de lu couté,

Souteniont qu’alle avinot resté

Dans tcho châgn’ pendant deùs étés,

Qu’alle étiont en train d’essumer,

Qu’alle aviont pouet envie peut tcheu d’ l’ abandouner.

Enfin, o sit in’ vraie bataille,

Pas in’ bataille à coups d’ canin,

Mais in’ bataille à coups d’arguegnin.

Daux burgoas, qui logiont pas loin dans in’ muraille,

Lassés d’entendre tcho potin,

S’emeilliront peur que raisin

Qu’a s’ battiont dépis au matin.

Quand le c’neussiront la quescien,

L’ djissiront : « Si ve v’lez nos crère,

I allins prendre en main veutre affaire.

Dans nos famill’s chez les burgoas,

Tous lés jug’ments s’ passont c’m o fao.

Est p’t-êt’ pas bin d’o djir’ trop hao,

Mé ést pas teurjous d’ mein-m’ chez lés aut’s agnimaos.

Keum veutre affaire anet nos sembie pas trop kière,

I allins la juger d’in’ magnère

Qu’ol ara pas à s’y trimper

Et qu’ persoun’ pourra rékiamer.

V’s allez v’ mettre à l’ouvrage et tchaïes qui pourront faire

Dau miel keum tcho-là qu’ést dans l’creux

S’ront r’kenues lés properiétaires.

Ol a rin d’ pus d’ juste et rin d’ meux.

Avez-v’ quuqu’ chouse à djire à tcheu ? »

Auss’tout qu’ l és djaïp’s  viront qu’o s’ tournet d’ tchell’ magnère,

Alle en vesougniront d’ colère

Et alliront s’ cacher jusque dan lu djépère.

Lés abaill’s, au kintrrair’, d’vant in pareil jug’ment,

 

Appiaudiront daux al’s pendant deùs hur’s de temps ;

Pis, peur marquer lu kintent’ment,

A portchiront jusqu’à la burgaudère

Tout l’ pus bé morcè d’ braïch’ qu’étét possibie de mouère :

L’ peset bé deùs illivr’s d’ la magnère.

Dans l’ minde, ést d’ qua qu’arriv’ ral’ment,

D’juger lés chous’s aussi sainement,

Si rind’ment et si simpieument,

Et pis, surtout, avec si djèr’ d’argent.

 

Les frelons, les guêpes et les abeilles

 

On dit quelquefois, peut-être avec raison,

Qu’au pied du mur on voit le maçon.

Si  vous me prêtez seulement quelques minutes d’attention,

Je vous raconterai là-dessus une fable à ma façon.


Une fois, dans le milieu d’un fourré

Il y avait des rayons de ruches de cachées

Dans le creux d’un chêne têtard.

Ces rayons de ruche n’étaient pas là par hasard.

 

Des guêpes, qui se disputaient avec un tas d’abeilles,

Voulaient les avoir vaille que vaille.

En tout cas, pour le moins, elles réclamaient leur part.

Elles prétendaient qu’à leur idée,

Les abeilles n’allaient pas se percher dans les fourrés,

Qu’elles avaient coutume de loger

Dans les ruches en paille.

Mais les abeilles, de leur côté,

Soutenaient  qu’elles étaient restées

Dans ce chêne pendant deux étés.

Qu’elles étaient en train d’essaimer,

Qu’elles n’avaient pas envie pour ça de l’abandonner.

Enfin, c’était une vraie bataille,

Pas une bataille à coups de canon,

Mais une bataille à coups d’aiguillon.

Des frelons, qui logeaient pas loin dans une muraille,

Lassés d’entendre ce bruit,

S’informaient pour quelle raison

Qu’elles se battaient depuis le matin.

Quand ils connaîtront la question,

Ils diront : « Si vous voulez nous croire,

Nous allons prendre en main votre affaire.

Dans nos familles chez les frelons,

Tous les jugements se passent comme il faut.

C’est peut-être pas bien de le dire trop fort,

Mais ce n’est pas toujours comme ça chez les autres animaux.

Comme votre affaire aujourd’hui nous semble pas très claire,

Nous allons la juger  de telle manière

Qu’on n’aura pas à se tromper

Et que personne ne pourra réclamer.

Vous allez vous mettre à l’ouvrage et celles qui pourront faire

Du miel comme celui-là qui est dans le creux

Seront reconnues les propriétaires.

Y a rien de plus juste et rien de mieux.

Avez-vous quelque chose à dire à ça ? »

Aussitôt que les guêpes verront que ça tourne de cette façon,

Elles en bourdonneront de colère

Et iront se cacher jusque dans leur guêpier.

Les abeilles, au contraire, devant un pareil jugement,

Applaudiront des deux ailes pendant deux heures de temps ;

Puis  pour marquer leur satisfaction,

Elles porteront  jusqu’à leur nid de frelons

Tout le plus beau morceau de rayon de ruche qu’il était possible d’avoir :

Il pesait au moins deux livres ainsi.

Dans le monde, est qu'il arrive rarement

De juger les choses aussi sainement.

Si  rondement et si simplement,

Et puis surtout avec si peu d’argent (de dépenses).

 

Adaptation de la fable de Jean de La Fontaine "Les frelons et les mouches à miel" par Eugène Charier.

Rédaction et traduction Jean-Pierre Bouchet  ALT 2-2022



03/03/2023
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