Le gland et la citrouille
Le Ian et la Citrôle
O s’ paraît qu’in djimanch’ matin Iin daux valets d’ la Bordjinére En s’en allant m’ner lés baït’s bouère, Faset tout sul tchett réfiexiin : « L’mind’djisont que l’ciel et la terre, Tout c’ qu’a-t-été-fait ést bien fait ; Pourtant, ol a bé daux affaires Qu’o s’ret pas in mal de changer. V’allez pas m’ djir qu’ol ést pas drôle D’singer qu’ daux p’tchis brins grous keum rin Portont daux énormes citrôles, Quand daux châgnes grous c’m in’ barg’ de fin Ont daux ians, quand l’ sont dans lu piein, Moins grous que l’p’tchit bout de m’n aguiin, A pein-n’ c’m in’ beurlér’ de chaudrin. Si i éta l’autur de la terre, M’ést avis qu’i ara fait l’kintraire : Ma, i ara mis tout ugniment Les ians à la piac’ daux citrôles, Lés citrôles à la piac’ daux ians ; Keum t’cheu lés merl’s et pi lés grôles S’y seriont appoués d’ temps en temps ». C’m o s’ trouvet qu’étet in djimanche, Quand i a-t-adju figni d’ manger, L’ djissit : « I va en profiter P’r aller faire in somm’ so lés branches ». Pis, le v’la qui va tranquill’mant S’étendr’ so in grand châgne courant ; L’dormet, p’t êtr’, depis in’ demii-hure, Tout d’in coup, l’ s’éveuille en sursao, « Mon Djeu, fit euil, si i ai grand mao ». L’ peurmeun’ sa main su sa figure, Pis la rameun’ tout’ beurnaïe d’ sang. « C’ qui vint de m’timber su la goule, I sais bé qu’ést pouet in oeu d’ poule ; I oué bé c’ qu’ol eî in ian ; Ol a ret été in’ citrôle, M’taït’ s’ébouset c’m in’ pouér’ molle ; L’ bon Djeu m’ara sans dou’ pugni D’aouér v’lu en c’neutr pus ling qu’li. I oué bé désormais qu’i eum’ djère Que l’mind’ se méliont d’ sés affaires. Lés homm’s sont souvent si djère fins Que l’voyont l’ mal vour qu’ol a l’bien ».
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Le gland et la citrouille
Il paraît qu’un dimanche matin Un des valets de la Bordinière (à côté de Venansault) En s’en allant mener les bêtes boire, Se faisait tout seul cette réflexion : « Les gens disaient que le ciel et la terre, Tout ce qui a été fait est bien fait ; Pourtant, il y a bien des affaires Que ce ne serai pas un mal de changer. Vous n’allez pas me dire que ce n’est pas drôle De penser que des petits brins gros comme rien Portent des énormes citrouilles, Quand des chênes grands comme une barge de foin Ont des glands, quand ils sont poussés, Moins gros que le petit bout de mon aiguillon, A peine comme une anse de chaudron. Si j’étais l’auteur de la terre, Il m’est avis que j’aurai fait le contraire : Moi, j’aurai fait tout simplement Les glands à la place des citrouilles, Les citrouilles à la place des glands ; Comme ça, les merles et les corbeaux S’y seraient reposés de temps en temps ». Comme il se trouvait que c’était un dimanche, Quand il eut fini de manger, Il se dit : « Je vais en profiter Pour aller faire un somme sous les branches ». Puis le voilà qui va tranquillement S’étendre sous un grand chêne courant ; Il dormait peut-être depuis une demi-heure, Tout d’un coup, il s’éveille en sursaut, « Mon Dieu, fit-il, j’ai grand mal ». Il promène sa main sur sa figure, Puis la ramène toute barbouillée de sang. « Ce qui vient de me tomber sur la figure, Je sais bien que ce n’est pas un œuf de poule ; Je vois bien que c’est un gland ; C’aurait été une citrouille, Ma tête s’écrasait comme une poire molle ; Le Bon Dieu m’aurait sans doute puni D’avoir voulu en savoir plus long que lui. Je vois bien désormais qu’il n’aime guère Que les gens se mêlent de ses affaires. Les hommes sont souvent si peu finauds Qu’ils voient le mal là où il y a le bien ».
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Fables en parler vendéen d'Eugène Charier Éditions Sodirel
Traduction: Jean Pierre Bouchet 6-2020
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