Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Le lièvre et la tortue

LE LIÈVRE ET LA TORTUE

En patois

Traduction

A la mintaïe d’la Land’pointue

In lèvre, qu’étet assez grous,

V’net d’ parier avec in’ tortue

Toute in’ peun’raïe de becott’s  de choux

Qu’depis l’tét à gorets daux Forges,

Jusqu’à la kia dau champs dau Quart,

Maème en partant deùs hur’s pus tard,

L’ gagn’ret sur lé in hur’ d’rloge.

V’la la din la tortue qui s’en va,

Sans prendr’ le temps d’ casser la croute ;

On aret djit in gros luma

Qui s’train-net su l’mitan d’ la route.

Quand a voyet in cocré d’iau,

A feset in détour à drette.

Les draôl’s li foutiont  daux coups d’bot,

Pis li garochiont daux pouèr’s blettes ;

Neutr’ lèvre en riet din sin jabot.

«  Avant qu’a iy sèje arrivaïe,

I ai bé l’temps d’ fair’ la meurionaïe,

Sing et euil, mé auparavant,

I m’en va aller dans l’feurment

Minger d’ la nouaïe et d’ la cernure »

Pis le v’la qui c’mence à trotter

Dans les raizes et dans les foussés.

Enfin quand l’si bé fatchiqué,

L’sé endormi dans in’ fermure.

Et (i) aret dormi kimbé d’ temps

Si l’grous chin nèr d’ la Pod’vinere,

En s’en allant m’ner lés baït’s bouère,

Avet fait moins d’bruit en jappant.

Dés en s’éviant le v’la qui s’gratte,

Pis s’frott’ lés eils avec sa patte ;

I étét s’ment pas r’venu à li

Qu’la souv’nance li vint d’ tcho pari.

Sans prendr’ le temps de r’garder l’hure,

Le v’la qui file à toute allure,

Cope à travers le grand Patchi,

Traveur’s le charao dau Sord’ji,

Pis p’r être moins gein-né sans doute,

S’en va virer sur la grand route ;

I sé bé sûr qu’ dau train qu’ (i) allet,

Jamais les chins l’ariont sivé.

On aret djit à s’n arrivaïe

Qu’l’ sortet dau mitan d’in doué

Tellement  qu’ sa pé étet mouillaïe.

«  Enfin fit la tortue ve v’la !

Ol a pus d’ine hur’  qu’I sé là.

I keuria que v’s étiez malade ;

Dame, i v’na d’ manger in’ salade.

R’gardez lès esseill’s.  P’r en fignir,

V’ voyez qu’o sert à rin d’courir.

Ine autr’ foués, v’ prendrez vos mesures ;

O faut ober quand ol est l’hure. »

 

A la lisière de la Lande Pointue

Un lièvre, qui était assez gros,

Venait de parier avec une tortue

Tout un panier de pousses de choux

Que depuis la porcherie des Forges

Jusqu’à la barrière des champs du Quart,

Même en partant deux heures plus tard,

Il gagnerait sur elle une heure d’horloge.

Voilà donc la tortue qui s’en va,

Sans prendre le temps de casser la croûte ;

On aurait dit un gros luma (escargot)

Qui se trainait sur le milieu de la route.

Quand elle voyait une flaque d’eau,

Elle faisait un détour à droite.

Les enfants lui donnaient des coups de pied,

Puis lui jetaient des poires blettes ;

Notre lièvre en riait intérieurement.

«  Avant qu’elle soit arrivée,

J’ai bien le temps de faire la sieste

« Sur un œil (*)», mais auparavant,

Je m’en vais aller dans le blé (froment)

Manger de la renouée et de l’agrostis (herbes) »

Puis le voilà qui commence à trotter

Dans les allées et les fossés.

Enfin quand il a été bien fatigué,

Il s’est endormi près d’une barrière.

Et il aurait dormi combien de temps

Si le gros chien noir de la Podevière,

En s’en allant mener les bêtes boire,

Avait fait moins de bruit en aboyant.

Dès qu’il s’éveille, le voilà qui se gratte,

Puis se frotte les yeux avec sa patte ;

Il n’était seulement pas revenu à lui

Que le souvenir lui revint de son pari.

Sans prendre le temps de regarder l’heure,

Le voilà qui file à toute allure,

Coupe à travers le champ du paturage

Traverse le chemin des charrettes des Sordi

Puis, pour être moins gêné sans doute,

S’en va tourner sur la grand’route ;

Je suis bien sûr qu’au train où il allait

Jamais les chiens ne l’auraient suivi.

On aurait dit à son arrivée

Qu’il sortait du milieu du lavoir

Tellement sa peau était mouillée.

«  Enfin fit la tortue  vous voilà !

Il y a plus d’une heure que je suis là.

Je croyais que vous étiez malade ;

Dame, je venais de manger une salade.

Regardez les restes. Pour en finir,

Vous voyez qu’il ne sert à rien de courir.

Une autre fois, vous prendrez vos mesures ;

Il faut y aller quand il est l’heure. »

 

(*) ne dormir que d'un œil

 

 

 

 

ALT – Traduction de JPB -2018

Tirée du livre d’Eugène Charier



25/02/2018
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