Autrefois la Tranche

L'orlojhe

L'horloge

Anit, i va laessér cousér ine

orlojhe, la Cuntoese a ma tante, Tantine Jho.

Tic tac ! Tic tac ! Tic tac !

Depis aquoure i së t-i debout

den çhou funs de coridor ?

Depis  cunbae d'annëes ?

Dous disongnes d'annëes ! Pu d'in

siéclle, çheù çh'ét sur ! Tantine

Jho at asu en éritajhe la mésun

de sa mére ac tots lés meùblles

deden é bé sur ac moe. A m'at

pout boujhai ine miéte, al avét

trop pour de me dérégllér. Al at

prtant fét dou régalajhe den la

mésun, al at halai le vieù cabinét

pasque lés pës étiant vérmoulous

é pi lés chaeres qu'aviant pa misit

de palle a force que le chat

prénquéjhe dessu. Mé moe, i ae

asu de la chance, i së toujhout la,

çh'ét vrae qu'i fé men ouvrajhe

coume ou prmér jhour, i soune

vantér mongn cllér que quant i

étoe jhéne, mé i soune totes lés

eùres, outant de cops coume

d'eùres é pi in cop pr la demie

eùre. I së la, drite bout, fiére de

mà bér balanciér dorai qui vat d'in

coutai su l'àutre.

Tic tac ! Tic tac ! Tic tac !

Mà baes, li, arét vantér

besegn d'aetre pénturai, lés

flleùrs sant in petit pae fenites,

mé i ae encore ine béle alure.

 I sé que Tantine Jho ét en

amiraciun devant moe. Quant a

prent sa guenelle tote douce pr

me forbir, i en ë dous friblluns

dous de pllésir. A dit qu'a pet

pout se passér de moe, i la brce,

si i m'aroete en pllénde nit, a vat

se révellér, mé çheù m'arive pout

bé sarai pasqu'a pense totes lés

semongnes a remuntre més

poes. A munte su sà petite

échale, é ac sa mén tote aridollëe

é trenbllante a foure la cllai den le

cllot qu'ét su mà cadran proe dou

cénc, a fét ben atenciun que i

avéjhe pa yine de més aeguelles

su le cllot, pr pout lés abimér, é a

viroune la clai jhusqu'a tant que

le prmér poes séjhe rendu tot en

hàut é pi aproe a fét paréll den

l'àutre cllot a coutai dou sét pr

remuntre le deùsiaeme poes. É

la, i së tote ravigotëe, i me remét

en route pr ine nouvéle

semongne. Le tenp passe de

ménme pr moe é pi oussi pr Tantine Jho.

Tic tac, tic tac, tic tac...

A bétout !

Texte Colette Devineau tiré de la revue Bernancio

Aujourd’hui, je vais laisser parler une

horloge, la Comtoise à ma tante Tantine Jho.

Tic tac ! Tic tac ! Tic tac !

Depuis quand suis-je debout

Dans ce fond de couloir ?

Depuis combien d’années ?

Des dizaines d’années ! Plus d’un

siècle, ça c’est sûr ! Tantine

Jho at reçu en héritage la maison

 de sa mère avec tous les meubles

dedans et bien sûr avec moi. Elle m’a

pas bougé d’une miette, elle avait

trop peur de me dérégler. Elle a

pourtant fait du remaniement dans la

maison, elle a enlevé le vieux cabinet

parce que les pieds étaient vermoulus

et  puis les chaises qui n’avaient  plus

de paille à force que le chat

a fait ses griffes dessus. Mais moi, j’ai

eu de la chance, je suis toujours là,

c’est vrai que je fais mon travail

comme au premier jour, je sonne

peut-être moins clair que quand

j’étais jeune, mais je sonne toutes les heures, autant de coups comme  

il y a d’heures et puis un coup pour la demi-heure. Je suis là, droite debout, fière de

mon beau balancier doré qui va d’un

côté sur l’autre.

Tic tac ! Tic tac ! Tic tac !

Ma base aurait peut-être

besoin d’être repeinte, les

fleurs sont un petit peu passées,

mais j’ai encore belle allure.

Je sais que Tantine Jho est en

admiration devant moi. Quand elle

prend son chiffon tout doux pour

 me fourbir j’en ai des frissons

de plaisir. Elle dit qu’elle peut plus

se passer de moi, je la berce,

si  je m’arrête en pleine nuit, elle va

se réveiller, mais ça m’arrive peu

ne serait-il pas parce qu’elle pense toutes les

semaines à remonter mes poids.

Elle monte sur sa petite

échelle, avec sa main toute ridée

Et tremblante elle met la clé dans le

le trou qui est sur mon cadran près du

cinq, elle fait bien attention que

je n’ai pas une de mes aiguilles

sur le trou, pour pas les abimer, et

elle tourne la clé jusqu’à  ce que le

 premier poids soit arrivé jusqu’en haut et puis après elle fait pareil  dans

 l’autre trou à côté du sept pour remonter le deuxième poids.

Et là, je suis toute revigorée, je me remets en route pour une nouvelle semaine.

Le temps passe comme ça pour moi et aussi pour Tantine Jho.

Tic tac ! Tic tac ! Tic tac !

A bientôt

Traduction Jean-Pierre Bouchet ALT  -8-2023