La Dame blanche du Veillon
Contes et Légendes de Vendée : La Dame Blanche du Veillon
Sur la côte vendéenne, à 12 km au sud des Sables d’Olonne, Bourgenay et Le Veillon offrent un site particulier qui a encore le charme d’une nature presque sauvage avec une crique rocheuse, une grande plage de sable fin et deux forêts.
Celle du Veillon est composée de grands chênes verts et celle de Bourgenay de grands pins.
Si Bourgenay est avec Brem-sur-Mer le plus ancien des lieux habités de la côte, le Veillon peut se vanter de remonter à la préhistoire puisque, il y a quelque temps, furent découvertes sur son rivage des vases solidifiées portant l’empreinte d’animaux ayant vécu deux cents millions d’années avant notre ère.
Bourgenay vit jadis accoster une belle Princesse de Flandre dont le bateau avait comme proue une magnifique vierge encore vénérée dans la petite chapelle nichée dans les pins, lieu de pèlerinage des Sablais et des gens de la région.
Il est aussi au Veillon un vieux château dont les parties les plus anciennes datent des XVe et XVIe siècles. Cette construction qui a remplacé un antique manoir, a subi des modifications, pas toujours très heureuses, à travers las âges. C’était autrefois la demeure du seigneur du Veillon dépendant de la puissante forteresse de Talmont, distante de quelques lieues dont les ruines dominent encore la cité talmondaise.
Pendant la Guerre de Cent Ans, vivaient au château du Veillon, fief du baron Inglebert, un chevalier qui avait perdu sa femme Dame Bertrande, et qui vivait en ces lieux avec sa fille unique Aliénor sur laquelle il avait reporté toute son affection. Elle venait d’avoir seize ans. C’était une belle blonde aux yeux bleus, au visage ovale régulier et aux traits fins. Elle était d’une douceur presque angélique et tous les gens du château et tous ceux du pays l’aimaient bien.
Aliénor n’attendait même pas le prince charmant puisqu’elle savait, depuis peu il est vrai, qu’elle était promise au fils du seigneur de Talmont, le jeune Guy de la Trémouille. C’était une affaire réglée de longue data entre les deux pères qui se connaissaient bien pour avoir combattu ensemble sur les champs de bataille. Ils avaient beaucoup d’estime l’un pour l’autre et lorsque le seigneur de Talmont avait proposé à son vassal d’unir leurs enfants. Celui-ci, flatté, avait aussitôt acquiescé et le baron avait annoncé la nouvelle à sa fille il y a quelques mois sans lui demander si le jeune homme lui plaisait. Comme le fiancé était normalement constitué, il ne pouvait y avoir aucune objection de son côté.
-Comme vous le voulez, père, je serai dame de Talmont dit Aliénor.
Les ruines du château de Talmont
Elle se promenait souvent sur son beau cheval blanc dans les marais tout proches, dans les bois et parfois sur la plage. Un matin, après une nuit de tempête, elle découvrit sur la grève un jeune homme blessé au cours d'un naufrage qui gémissait. Elle partit chercher de l’aide et peu de temps après, les domestiques le transportèrent sur un brancard jusque dans une chambre du château choisie par Aliénor. Un bon feu fut allumé dans la cheminée et la demoiselle soigna elle-même les blessures de l’inconnu.
Lorsqu’il put se lever, Aliénor remarqua sa distinction et pensa que cet inconnu devait être de bonne famille. Bien soigné, bien traité, le naufragé fut vite sur pied.
Après quelques jours de convalescence, il pense qu’il lui faudra quitter cette terre bénie de Dieu et surtout cette adorable jeune fille pour qui il éprouvait de tendres sentiments. Voyant arriver la date de départ, il lui avoua son amour qui, à certains signes, sembla ne pas lui déplaire.
Le lendemain par un clair matin d’hiver, le jeune homme demanda à son aimable infirmière de bien vouloir l’accompagner dans le parc du château. Ils marchèrent un moment côte à côte en silence puis soudain l’étranger lui demanda :
-Belle demoiselle, vous m’avez sauvé la vie et redonné le goût de vivre. Ceci grâce à votre beauté, à votre charme et à votre gentillesse, aussi je ne pourrais jamais vous oublier. J’ai de l’amour, beaucoup d’amour pour vous. Voulez-vous être mienne ?
Aliénor rougit et ne répondit pas aussitôt. Après quelques pas elle dit :
-Oh ! Messire, je ne puis car mon père, depuis longtemps, a pris pour moi en engagement et je dois lui obéir. Sachez cependant que je garderai votre souvenir au fond de mon cœur.
-Gentille Aliénor, je vous en supplie, vous êtes jeune, promettez-moi de m’attendre. Pour vous, je me battrai, pour vous je vaincrai l’ennemi, pour vous je m’imposerai et conquerrai titres et gloire. Je sais qu’alors votre père consentira à notre union.
Le lendemain, le jeune et bel inconnu fit ses adieux à ses hôtes et disparut vers le Sud.
Le temps passa, les semaines, les mois, les années.
Trois longues années plus tard, Aliénor avait maintenant dix neuf ans et, jusqu’alors elle avait réussi par différents stratagèmes à faire repousser le mariage avec Guy de la Trémouille. Le jeune homme lui rendait souvent visite et patiemment attendait.
Un jour, le seigneur de Talmont dit à son voisin :
-Mais voyons Inglebert, il faut en finir. Voici déjà plusieurs années que nous envisageons d’unir nos enfants. Ta fille se trouvait trop jeune au début, ensuite elle a été malade, mais maintenant elle est en parfaite santé. Il faut les marier au printemps.
Inglebert fit part à sa fille de cette demande pressante et Aliénor dut accepter la date proposée.
Mais le soir, dans son lit, elle pleura et jura de n’appartenir qu’au bel inconnu trouvé sur la plage. Mais que faire d’autre, l’étranger ne donnait pas signe de vie ?
Les fiançailles de déroulèrent au milieu de grandes réjouissances. Guy de la Trémouille venait faire sa cour au château du Veillon et s’inquiétait de l’indolence d’Aliénor qui pâlissait et maigrissait.
-Vous n’allez pas bien, ma mie ? demandait-il ?
-Oh ! Ce n’est rien, Guy, répondait-elle, c’est l’émotion. Toutes ces fêtes, tous ces préparatifs me fatiguent. Cela change tellement de ma vie de fille esseulée. Mais ne vous inquiétez pas, je m’y ferai.
Le jour du mariage arrive enfin. La cérémonie se déroule dans la chapelle du château seigneurial de Talmont. A l’intérieur, toute la noblesse des environs est réunie et, dans la cour, la foule des paysans, des manants venue pour voir le bonheur des jeunes époux. Les cloches de l’église voisine sonnent à toute volée. Soudain, un remous dans la foule : une troupe de cavaliers vient de faire irruption dans la grande cour du château. En tête, l’inconnu du Veillon. Il saute de cheval, il est blême. Il se présente aux mariés :
-Jehan Chandos, comte de Bedford, connétable de Guyenne.
Aliénor, toute pâle, retire son bras de celui de son mari, s’avance vers lui et aussitôt s’affaisse. Son père accourt vers elle, mais elle a cessé de vivre.
-J’arrive trop tard dit alors Jehan Chandos, mais je sais maintenant qu’elle m’attendait.
Les promeneurs du soir, les paysans du Veillon et de Bourgenay affirment que souvent, les nuits calmes de printemps, une dame blanche se promène dans la forêt.
Certains ont pu voir, dans un rayon de lune, sa belle et longue chevelure blonde.
Attend-elle encore le bel étranger trouvé par elle un clair matin sur la berge marine ?
Tiré du livre de Joseph Rouillé : Contes et récits de Vendée
Rédaction Jean-Pierre Bouchet 2-2020
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