La poule aux œufs d'or
LA POULE AUX ŒUFS D’OR
La poule qui pounet daux œus d’or
I va v’ djire in’ petchite affaire ; Mé, c’m i sé que v’s et’s durs de crère, P’r en ét’ pus sûrs, d’mandez-ou din A la boun’ femme dau Châgn’- Bessin. Pas à tchell’ là qu’-a- t’in’ dent d’ chin, Mé à tchell’ qui pass’ p’r et’ sorcère V’ savez bé, la boun’ femm’ Massere. A v’s o djira pareil c’m i va v’s o rakinter ;
Est chez lé qu’ol a-t-arrivé. In’ foué, alle avet in’ veill’ poule, Qu’arrétet pas d’manger, pis qu’étet jamais soûle ; Mé, ol avet tcheu d’ bin en lé, Tous lès jours que l’ bon Djeu dounet, Tchett’ poule pounet ;
Aussi a r’grettet poué l’avein-n qu’à illi manget.
Jusque là ol a rin d’ bén extraordjinaire, Mé l’ pus curieux dans tchelle affaire Est qu’en timbant dau gnic tchès oeus s’abîmiont pouet, Mé ve m’ djirez : « Pisque la boun’ femme èst sorcère, O s’ra sans doute encore in tour de sa magnère. » Et qu’en jouant à goglu v’lès ariez pouet cassés.
Keriez pas qu’ol avet daux sorcell’ries la-d’dans !
O dépendet tout ugniment Qu’ la gobasse et l’ bianc Etiont en argent. Ah ! ve v’ détournez d’ ma peur rire ! Riez din tout veut’ kintent, mé v’rirez bé pus fort,
Tout à l’hur’, quand i m’en va djire Que l’ jaone étet en or. I entends illin qui d’mande en mengeant sa mougette : « Oui mé, tchés œus, c’ment fair’ peur lés mettre en am’lette ? » Peur daux occasiens d’ maeme o faut pouet qu’v’s intchète. Mé vour qu’ i allins sans doute timber teurtous d’accord, Est qu’ si tchette poule étet in’ baït d’in bin rapport, Etet pouet in’ raisin peur illi douner la mort. Badjinez-v’ ! tuer in’ pareill’ baït ! O faudret teurjous bé aouer ‘ perdu la taïte ! Est peurtant bé c’ qu’a-t-arrivé, malheureus’ment !
V’s allez crère encor qu’i v’ djis daux ment’ries ;
Mé o s’ trouvit qu’ dans tcho moument Tchés mind’s aviont envie d’ach’ter lu mouetairie. In bé matin, l’ bounhomm’ , qu’avet kimpté s’n argent, Djissit à sa boun’ femm’ en s’ dépatant les dents : « Est pas l’tout, keum i allins nos trouver dans la gein-ne, O faut tchirer quuqu’s pians peur nous sortchir de pein-ne. Si i regardiens, fit-euil, c’ que tchette poule a dans l’ corps, I trouveriens p’t-être un trésor. »
La boun’ femm’, peur be djire, étet pouet d’tchette idaïe ; Mé, c’m o faset pas bin teurpegner ses bourraïes, Pis qu’à l’ keneusset bé, A v’lit pouet l’ kintrarier. I attendjit pas longtemps, i allit charcher la poule
Et, keum i avet l’ tcheur bé piécé, L’illi fourrit bèn avant sin couté dans la goule.
Après, l’ la fit piumer, nettchir et pis griller, Mé peur l’éventrailler i embesognit persoune : L’ s’en allit dans in coin darr’ la cour aux gorets,
I adlusit sa goudrelle en passant kint’ la malle,
Et mettchit tchett’ poul’ su la selle.
Keum le keriet s’trouver en fac’ d’in coffeur fort,
Les eils illi beurlutiont si fort Qu’ o illi sembiet avis d’ouer’ danser daux louis d’or. Mé sin bouhnur, boun’ gens, sit pouet d’in ling’ duraie : Tchel or se changit en beurouaie, Quand l’ vit qu’ la poule avet dans l’ corps, Malheureus’ment ! pouet un trésor, Mé daux tout p’tchits oeus sans gobasse, Et à par tcheu, rin d’ pus qu’ dans l’ venteur d’in ‘ pou’ couasse. I a r’kenu mé trop tard, qu’ï avet adju grand tort.
I oz-a pris mal, et pis bé mal, de la magnère. Le r’gardjit bèn encor les bousiaill’s de la pounouère,
Mé l’vit bé rin, boun’s gens, tout c’ qu’ol avet d’pus rin. Sa femmé a djit qu’ i étet dans in’ si grand’ colère
Que si a s’étet pas trouvaïe au d’vant d’ sin ch’min, I allet se ch’ter tout dret dans l’ mitan daux communs.
Peur tchés-là qui v’lont trop aouère, Tchett’ fab’ie s’ra in boun’ lecin. Kimbé qui sont dans la misère, Et qui misèront keum daux chins, Qu’auront pas su s’kintenter d’ lu bien !
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La poule qui pondait des œufs d’or
Je vais vous dire (raconter) une petite histoire; Mais, comme je sais que vous croyez difficilement, Pour en être plus sûr, demandez donc A la bonne femme du Chêne-Bessin. Pas à celle-là qui a une dent de chien, Mais à celle qui passe pour être une sorcière Vous savez bien, la bonne femme Massère. Elle vous dira la même chose que je vais vous raconter; C’est chez elle que c’est arrivé. Une fois, elle avait une vieille poule Qui n’arrêtait pas de manger, et qui avait toujours faim; Mais, il y avait ceci de bien en elle, Tous les jours que le Bon Dieu donnait, Cette poule pondait; Aussi elle ne regrettait pas l’avoine qu’elle lui mangeait. Jusque là, il n’y a rien de bien extraordinaire, Mais le plus curieux dans cette histoire Est qu’en tombant du nid ces œufs ne s’abîmaient pas, Mais vous me direz : « Puisque le bonne femme est sorcière, Ce sera sans doute un tour à sa façon. » Et qu’en jouant au plus malin vous ne les auriez pas cassés. Ne croyez pas qu’il y avait des sorcelleries là-dedans ! Que ça dépendait tout simplement Que la coquille et le blanc Étaient en argent. Ah ! Vous vous retournez pour rire ! Riez donc tout votre soûl, mais vous rirez bien plus fort Tout à l’heure quand je vous dirai Que le jaune était en or. J’entends quelqu’un qui demande en mangeant sa mogette : « Oui, mais ces œufs, comment faire pour les mettre en omelette ? » Pour des occasions comme ça, il ne faut pas que vous vous inquiétez. Mais, où on va, nous allons sans doute tomber tous d’accord, Et si cette poule était une bête d’un bon rapport, C’était pas une raison pour lui donner la mort. Me direz-vous ! Tuer une pareille bête ! Il faudrait toujours bien avoir perdu la tête ! C’est pourtant bien ce qui est arrivé, malheureusement ! Vous allez croire encore que je vous dis des mensonges ; Mais il se trouvait qu’en ce moment Ces gens avaient envie d’acheter leur métairie. Un beau matin, le bonhomme qui avait compté son argent, Dit à sa bonne femme en se curant les dents : « C’est pas le tout, comme nous allions nous trouver dans la gêne Il faut tirer quelques plans pour nous sortir de la peine. Si nous regardions, fit-il, ce que cette poule a dans le corps, Nous trouverons peut-être un trésor. »
La bonne femme, pour le dire n’était pas de cet avis ; Mais, comme il ne fallait pas chercher des noises, Et qu’elle le connaissait bien, Elle ne voulut pas le contrarier. Il n’attendit pas longtemps, il alla chercher la poule Et comme il avait le cœur bien accroché, Il lui fourra profondément son couteau dans le bec. Après, il la fit plumer, nettoyer et griller, Mais pour l’éventrer, il n’employa personne : Il s’en alla dans un coin derrière la cour des cochons, Il aiguisa sa lame de couteau en la passant sur la meule, Et mit la poule sur la planche.
Comme il croyait se trouver en face d’un coffre-fort, Les yeux lui brillaient si fort Qu’il lui semblait de voir danser des louis d’or. Mais, son bonheur, braves gens, ne fut point de longue durée : Cet or se changea en bouillie, Quand il vit que la poule avait dans le corps, Malheureusement pas un trésor, Mais des tout petits œufs sans coquille, Et par là, rien de plus que dans le ventre d’une poule couveuse. Il a reconnu mais trop tard, qu’il avait eu grand tort. Il l’a pris mal, très mal de cette façon (à son goût). Il regardait bien encore les crottes de la pondeuse, Mais il ne vit rien, bonnes gens, rien de rien.
Sa femme a dit qu’il était dans une si grande colère Que si elle ne s’était pas trouvé sur son chemin, Il allait se jeter tout droit dans le milieu des fossés communaux.
Pour ceux qui voudront trop avoir, Cette fable sera une bonne leçon. Combien qui sont dans la misère, Et qui tomberont dans la dèche comme des chiens, Qui n’auront pas su se contenter de leur bien.
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Source : Fables en parler vendéen d' Eugène Charier
Traduction : JP Bouchet - ALT - 10-2022
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