La dormeuse
La dormeuse
La dormuse |
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O l’ave bé près de six mois qu’ Marie Font’nelle dau grand Moulin été vève mé a pouvé poué s’consoler. Tos lé matins a braillé d’maïme « t’cho pauv’bouhomme qu’é parti pi qui m’a laissé tote sule le m’fait bé souffri. Ma qui l’aima tant, pi li qu’été si bon por ma. Si encore i sava qu’lé huru, si y sava qu’lé dans l’Paradis ol’adouciré ma païne ». Tos lé jours a pimé tant qu’a pouvé. O faut dire que dans sa junesse al’avé pas teurjou été bé fidèle à Célestin; mé a l’aimé bé aussi. Un bé jour, sa vouésine qu’été queurvaïe de l’entendre li dit : « Disez dans Marie, si ve v’lé saouère avour que lé Celestin, allez dan ouèr le Dormuse ; a vous z’o dira bé. A d’mure a couté d’Moque souris, à la crouésaïe do chagne au louc. Dame al’é pas agralante, mé o faut pas aouère poure de l’aïe. Dé le lendemain, v’la la Marie qu’arrive chez la Dormuse : « Bonjour ‘ Madame qu’a dit d’ine façon bén’aimabie. « Qu’é to qu’tu vu » répond la Dormuse Alors Marie r’commence to san boniment. « Tu vu saouèr avour qu’é tan Clestin ? Taise te y va tot dire. V’la la Dormuse qui s’cale dans sé bernes. A met su sa taït’ un viu mouchoué tot jobrou. Au bout d’ine ou du minutes a s’met à guler « i loué, i loué ». Marie s’met a brailler pi a d’mande : « avour qu l’é ? » « i pés pas to dire encore. Taise te. Le mante ine grande côte pi tot en haou ol a ine grande porte qui terluse comme do l’or, i cré bé qu’olé la porte do Paradis. « O man Diu, fesez que l’rente dans voute saint Paradis » que s’met à dire la Marie. Après un p’tit moument la Dormeuse se vire dans son lit « o t’cho pauv’ fi dvesse, dans qu’état qu’lé. L‘a perdu sé bots, sa t’chulotte é tote à la gueneuille, la pé d’sé mains pi d’sé gnoilles é tot érussaïe. Qu grand malhure. L’é à la porte do Paradis, mé lé pas rentré. Le saute le s’tervire de tous lé coutés, ol a rin a faire le y arrive pas. Bé a caose dan » que braille la Marie. « Bé à caose que l’a sé du cors qui son burgués dans l’palâtre ».
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Il y avait presque 6 mois que Marie Fontenelle du grand Moulin était veuve mais elle ne pouvait pas se consoler. Tous les matins elle gémissait comme ça « ce pauvre bonhomme qui est parti et puis qui m’a laissée toute seule ça me fait bien souffrir. Moi qui l’aimait tant, et lui qu’était si bon pour moi. Si encore je savais qu’il est heureux, si je savais qu’il est au Paradis ça adoucirait ma peine ». Tous les jours, elle pleurnichait tant qu’elle pouvait. Il faut dire que dans sa jeunesse elle avait pas toujours été bien fidèle à Célestin ; mais elle l’aimait bien aussi. Un beau jour, sa voisine qui était crevée de l’entendre, lui dit : « Dites donc Marie, si vous voulez savoir où il est Célestin, allez donc voir la Dormeuse ; elle vous le dira bien. Elle habite à côté de Moque souris à la croisée du chêne au loup. Dame elle n’est pas très aimable, mais il ne faut pas avoir peur d’elle. Dès le lendemain, voilà Marie qui arrive chez la Dormeuse : « Bonjour Madame qu’elle dit d’une façon très aimable». « Qu’et ce que tu veux » répond la Dormeuse. Alors Marie recommence toute son histoire. « Tu veux savoir où est ton Célestin ? Tais toi, je vais te le dire. Voilà la Dormeuse qui s’enfonce dans ses draps. Elle met sur sa tête un vieux mouchoir tout sale et taché. Au bout de une à deux minutes elle se met à gueuler « je l’ai, je l’ai ». Marie se met à pleurer puis lui demande : « où il est ? » « Je peux pas te le dire encore. Tais-toi. Il monte une grande côte puis tout en haut il y a une grande porte qui brille comme de l’or, je crois bien que c’est la porte du Paradis » « Oh ! mon Dieu, faîtes qu’il rentre dans votre saint Paradis » que se met à dire la Marie. Après un petit moment la Dormeuse se retourne dans son lit « oh ce pauvre fi de garce, dans quel état qu’il est. Il a perdu ses sabots, sa culotte est toute en lambeaux, la peau de ses mains et de ses genoux est toute écorchée. Quel grand malheur. Il est à la porte du Paradis mais il peut pas rentrer. Il saute, il se retourne de tous les côtés, il n’y a rien à faire, il n’y arrive pas. Mais à cause de quoi que crie la Marie, « Mais à cause qu’il a ses deux pieds qui sont empêtrés dans son linceul». |
Maurice Girard – la fin de la rabinaîe –mars 1986
- Les dormeuses étaient des guérisseuses qui entraient en transe pendant leur consultation et prescrivaient les soins à donner pendant qu'elles dormaient.
- La "Dormeuse de Chaix" l'une des plus célèbres, Léontine Chevasseau, épouse Girard, est née le 8 novembre 1888 au Vanneau, dans les Deux-Sèvres. Paysanne illettrée, parlant patois, c'était une célébrité locale à Chaix, elle avait aussi une renommée nationale et même internationale. Elle s'endormait, les yeux ouverts, sur son oreiller "magique" en se tordant le poignet, diagnostiquait les maladies et les guérissait avec des potions. Son don de voyance lui permettait également de retrouver les gens, objets ou animaux disparus. Elle est décédée le 13 septembre 1967.
- Chaix est une ancienne commune de Vendée près de Fontenay le Comte, aujourd’hui fusionnée avec Auzay : Auchay sur Vendée.
Maison de Mme Girard dormeuse de Chaix
ALT – Traduction et diffusion JP Bouchet – ALT - 11-2024
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