Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Le hérin

 

 

Le Héron

 

 

Le hérin

 

Lés hérins sont daux grands osèas

Quis’ servont pouet souvent d’lus ales

I ont l’ bec aussi ling qu’in cisèa,

Lés patt’s keum daux rollins d’échalle,

Mé bérèd moins grouss’s qu’in fusé

A pu près keum daux pues d’ râtéa.

Keum le mangeons grous d’ pouéssounage,

Le s’ tenont en partchie ré qu’ dans lès marécages.

In’ foué, o s’en peurmenet illin,

Qu’argardet courir les pouéssins,

Dret en d’ssus l’ékius de Beurtin.

Keum la matchinaïe etet kière,

L’ voyet jusqu’en l’mitan d’ la rouère.

Ol  avet daux tanch’s daux vérins.

En-n-avet d’ rinds keum daux tétouères.

Et pis daux larges keum la main.

Ol avet d’ qua, v’ pouvez m’en crère,

Pour régaler bé daux hérins.

Mé, keum la faim l’ tourmentet djère,

L’oséa  qu’i v’ parl’ singit en illi :

« Si I attenda qu’o sèj midji

I ara venté meux d’ appétchit. »

Au bout d’in moument  l’  s’assoupit.

Le s’ réviit keum midji  v’net  d’ souner au Boupère.

L’ courut bé vite ouère

A la rouère

Si lés pouéssins venions teurjous.

En-n-avet bé, mé djèr’  de grous,

Pis i  étions poet à sa magnère.

L’ singit : « Si I minta pus hao,

I  trouv’ra venté meux c’ qu’o m’ fao ».

L’ s’en allit à tchir’ la Piaudiére ;

Mé, à pein-ne étet-euil en ch’min,

Qu’o commencit à timber daux grains ;

Après tcheu, o s’am’gnit daux nuaïes,

Qui duriront tout’ la réciaïe.

V’ pensez qu’avec in temps pareil

Gni carpes gni veurdins venont moutrer lus eils.

Més pauv’s amis, si v’s aviez vu la taïte

D’ chette pauv’ baïte !

I sé sûr qu’ i o r’gardet pas d’hao.

Mon Djeu ! Qu’ I avet l’ér et qu’ I avet l’ér penao !

Pis tchette faim qu’étet là, qui illi boutet dans l’ ventre.

Et que djire, et que fair’ pisque l’ pouvet rin prendre ?

Mé keum la Peurvidenc’ dau bon Djeu peurouet tout,

A peurmit pouet tcho jour que l’jugnit jusqu’au bout;

En tervirant un tas d’érasses,

I apeurcit daux lumas qui courions su daux p’lasses.

En-n-avet -o deux

En-n-avet-o trois !

I v’s o dijré pas, I o sé pas.

Mé c’ qu’ I sé ést que l’fit in bé maigeur repas,

Et pis que l’ lés mangit jusqu’à mouété gobasse.

 

Dans la vie ést souvent c’ qui s’ passe.

Fasez  pas keum neutre hérin !

Peurnez d’abord ce qui s’ présente,

Qua qu’o s’rét ré qu’  daux p’tchis veurdins.

Si v’ veliez choisi ce qui v’ tente,

Ol’ arriv’ret souvent que v’s attraperiez rin.

 

 

 

Le héron

 

Les hérons sont de grands oiseaux

Qui ne se servent pas souvent de leurs ailes

Ils ont le bec aussi long qu’un ciseau,

Les pattes comme des barreaux d’échelle,

Mais beaucoup moins grosses qu’un fuseau

A peu près comme des dents de râteau.

Comme ils mangent beaucoup de poissons,

Ils ne se tiennent en partie rien que dans les marécages.

Une fois, il s’en promenait un,

Qui regardait courir les poissons,

Juste au dessus de l’écluse à Bertin.

Comme l’eau du marais était claire,

Il voyait jusqu’au milieu de la rivière.

Il y avait des tanches, des vairons.

Il y en avait des petits comme des chevilles de joug

Et puis des grands comme ma main.

Il y avait de quoi, vous pouvez me croire,

Pour régaler bien des hérons.

Main comme le faim ne le tourmentait guère,

L’oiseau dont je vous parle songeait en lui :

« Si j’attendais qu’il soit midi

J’aurai davantage d’appétit. »

Au bout d’un moment, il s’assoupit.

Il se réveilla comme midi venait de sonner au Boupère.

Il courut bien vite voir

A la rivière

Si les poissons venaient toujours.

Il y en avait bien, mais guère de gros,

Puis  ils n’étaient pas à  sa convenance.

Il songea : « Si je montais plus haut,

Je trouverai davantage ce qu’il me faut ».

Il s’en alla chercher à la Piaudiére ;

Mais, à peine était-il en chemin,

Qu’il commença à tomber des  grosses gouttes ;

Après ça, il s’amena des nuages,

Qui ont duré tout l’après-midi.

Vous pensez qu’avec un temps pareil

Ni carpes ni vairons ne venaient montrer leurs yeux.

Les pauvres amis, si vous aviez vu la tête

De cette pauvre bête !

Je suis sûr que je ne la regarderai pas de haut.

Mon Dieu ! Qu’il avait l’air, qu'il avait l’air penaud !

 

Puis cette faim qui était là, qui lui tenaillait le ventre.

 

Et que dire, et que faire puisqu’il ne pouvait rien prendre ?

Mais comme la Providence du bon Dieu pouvait

tout,

Elle ne permit point ce jour d’aller jusqu’au bout .

 

En remuant un tas de branchages,

Il aperçut deux escargots qui couraient sur la terre.

 

Il y en avait-il deux

Il y en avait-il trois !

Je ne vous le dirai pas, je ne le sais pas.

Mais ce que je sais c’est qu’il fit un bien maigre repas,

Et puis qu’il les mangea jusqu’à la moitié de la coquille.

 

Dans la vie c’est souvent ce qui se passe.

Ne faites pas comme notre héron !

Prenez d’abord ce qui se présente,

Quoi que ce serait rien que des petits vairons.

Si vous voulez choisir ce qui vous tente,

Il arriverait souvent que vous n’attraperez rien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédaction et traduction  JP Bouchet  ALT 12-2022

Source : Fables en patois vendéen d'Eugène Charier -éditions Sodirel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



06/01/2023
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