Pataud
Pataud
PATAUD
T'vouélà mon chien, mon grous Pataud, Avec tes yeux roux, tu m'regardes ; Partons, mon pauv' vieux camarade, Pique au pied, là, Jaunet, Pigeaud. T'es crotté, t'as la barbe sale, T'en fais pas va, ça n'y fait ren ; C'est point c'qu'empèch' que tu détales, Oui, t'es ben l'meilleur des gardiens.
Quand j'ai pas lourd dans ma besace, Avec toué, j'partag' mon bout d'pain, Et pis, tous deux on s'met en chasse, Ah ! t'as vit' fait d'prendre un lapin. Y a d'la joie à la maisounée, Les deux vieux vont faire un bon r'pas, Ça sent déjà la fricassée ; Cor'un, va, que l'garde aura pas !
Quand l'vent d'galern souffl' sus la piaine, Aux alentours de la Toussaint, Tu t'mets au sec, dans la paleine, Ma limousin' t'sert de coussin. Pataud, y t'manqu' que la parole, Dam', tés tell'ment intelligent, Tu voués, mon vieux, ben ça m'console D'la bêtis' de pas mal de gens.
En gardant les vach's et les ouailles Là-bas, au fond d'un renfeurmis, Vouélâ, coume un grand sot que j'braille Peur un' drôlièr' de nout' pays. J'voulais qu'all' souèy' ma boun' amie, Mais dame, a préfère un môsieur Heureus'ment qu'tu m'tins compagnie Et qu'on s'entend ben tous les deux.
Oui, j'm'étais mis dans la caboche, Qu' moué itout, j'pourrais m'installer. Mais, j'ai pas un sou dans ma poche Y faut pouét que j'songe à m'marier. Faudra dan tout' nout' vie sans doute, Que tous deux, on gard' les bestiaux. Eh ben ! j'm'en fous, j'prends cor' un' goutte, Coum' si j'étais grous proprio.
Tu r'mu's la queue, tu donn's ta patte, Quand tu veux montrer qu't'es content, Mais, si jamais fallait que j'parte, Oh ! sur'ment qu'tu vindrais méchant. Pataud, tu gardrais l'vieux, la vieille, Et, si la nuit, contr' la maison, On rôd', toué qu'est toujours en veille, Tue, va Pataud, mords-le, tins bon. |
PATAUD
Te voilà mon chien, mon gros Pataud, Avec tes yeux roux, tu me regardes ; Partons, mon pauvre vieux camarade, Reste au pied, là, Jaunet, Pigeaud. T’es crotté, t’as la barbe sale, T’en fais pas, va, ça ne fait rien ; C’est point ce qui empêche que tu détales, Oui, t’es bien le meilleur des gardiens.
Quand j’ai pas grand-chose dans ma besace, Avec toi, je partage mon bout de pain, Et puis tous deux on se met en chasse, Ah ! T’as vite fait de prendre un lapin. Y a de la joie dans la maison, Les deux vieux vont faire un bon repas, Ça sent déjà la fricassée ; Encore un que le garde n’aura pas !
Quand le vent de nord-ouest souffle sur la plaine, Aux environs de la Toussaint, Tu te mets au sec dans l’herbe, Ma vache te sert de coussin, Pataud, il ne te manque que la parole, Dame, t’es tellement intelligent, Tu vois, mon vieux, eh bien ça me console De la bêtise de pas mal de gens.
En gardant les vaches et les moutons Là-bas au fond d’un enclos, Voilà, comme un grand sot que je pleure Pour une jeune fille de notre pays. Je voulais qu’elle soit ma bonne amie, Mais dame ! Elle préfère un « Monsieur » Heureusement que tu me tiens compagnie Et qu’on s’entend bien tous les deux.
Oui, je m’étais mis dans la tête, Que moi aussi, je pourrais m’installer. Mais je n’ai pas un sou dans ma poche Il ne faut point que je songe à me marier. Faudra dans toute notre vie sans doute, Que tous deux on garde les bêtes. Eh bien ! je m’en fiche, je prends encore une goutte, Comme si j’étais gros propriétaire.
Tu remues la queue, tu donnes la patte, Quand tu veux montrer que tu es content, Mais, si jamais il fallait que je parte, Oh ! surement que tu deviendrais méchant. Pataud, tu garderais le vieux, la vieille, Et si la nuit, près de la maison, On rôde, toi qui es toujours en veille, Tue, va Pataud, mord-le tiens bon.
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Texte de Yves Rabault (1910-1990) barde poitevin
Traduction Jean-Pierre Bouchet 4-2021
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