Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Nuits d'enfer

Nuits d'enfer

 

Photo haute femme couchée avec homme en arrière-plan

 

Des neuts d’enfar

Dans l’temps, quand jh’été jhène, (o fait un sacré moument d’thieu), jh’avais coume voisin un noumé Arsène ; il avait’un coube d’an-nées d’moins qu’mé mais il était teurjhou rendu m’trouvé. Amprés, en peurnant d’l’âghe,vous savez

c’qu’o n’en é, chacun va d’son coûté ; jh’nous sont marié et i s’est’en allé dans l’Pays Bas chez sa bourghoise, si beun’

que nous vouèyon quésiment pu. Au fet’un coube de mois, astheur, peur hasard, nous sont rencontré à la fouère de

Mâthâ. Bin entendu, quant’on n’a été longtemps sans s’vouère, ol é pas les sujhet d’convarsation qui manquant. Tout

en bavassant, jh’vouèyé thieu gars qui baillet sans dictontinué en badant la goule à y-enforné un pain d’cinq live.

Jh’dis : t’â pâ l’ar à toun’affeire aneut à c’que n’on diret !

Si ol’étet qu’aneut qui m’répond, mais ol’é d’minme tous les jhor ! jh’dors pas la mouètié d’mon saoul !

Et t’âs pas asseyé ine médication peur thieu ?

Ma paure qui dit, o l’aret qu’un r’mède, mais o m’envéret’en prison peur le restant d’mes jhor.

Vouèyons, espyique me thieu, pace-que jh’zi comprend reun à toun’ histouère.

Et bin, tout thieu, ol é t’a cause de ma fumelle. Oh, o dure pas d’aneut, mais pu o va, pu ol é insulportabye. D’abord,

ol a qu’elle qui compte ; à l’arrête pas d’quené peur un oui ou peur un non, mais si jh’ai l’malheur de m’piainde, minme

en ayant grand mau, ol é que jh’seu un paure douillet. Un cot, jh’ai minme manqué n’en queurvé pace qu’a l’avet pas

v’lu feire v’ni l’méd’cin en peurtendant qu’o finiret beun’ peur passé tout seul.

Oué, mais ol é quand minme pas thieu qui t’fet baillé !

Bin sûr qu’non, mais zi vint. Ol é surtout quand jh’sont couchés qu’o d’vint insupportabye ; l’hivar, al a teurjhou fret et

pendant la neut, a rapilote toutes les couvarte su elle. L’temps qu’le fret m’réveille, jh’seu coume un ya, c’qui fèt que

jh’déshenrhume pas d’l’hivar. Inutile de t’dire que jh’passe l’rastant d’la neut à trembié d’tout mon paure charcois au

yeu d’dormi.

Voué, mais à thielle sason astheur qu’o fet bon, tu peux dormi ton saoul.

Ah, tu cret ! Madame, quant’o la prend, al a des bouffée d’chaleur qu’a dit, et là, a m’pousse toutes les gueneuille

su l’échine. Quant’o fini peur me réveillé, jh’seu trempé coume ine soupe, mais ine heure amprés, quant’a lé r’feurdie, a rameune tout d’ssus elle et jh’me r’trouve coume le p’tit jhèsus, trembiant coume la feuille. Mais ol é pas tout : figure

te qu’a ronfyie à longueur de neut coume ine machine à batte et jh’ai bia m’baurré les oum’rolle anvec des bouchons d’ouatte, reun z’y fait. Si j’ai l’malheur d’zi dire, a prétends qu’ol é mes ronfiement qui m’réveillant. Mais l’pire, mais jh’sais pas si jh’det t’zou dire ine chouse de minme !

Si, si, ai pas pour, o cret reun ; jh’airai pas z’ou berlandé.

Eh bin, ol é qu’à longueur de neut, o l’oraghe sans arrêt dans thieu lit ; le tounerre n’arrête pas ! Et jh’peut t’açartané qu’ol é bin pire que l’oraghe pas c’qu’ol a pas qu’le brut. Leu pollution à Paris, ol é reun à coûté de c’que subis à longueur d’an-née, anti-cyclone ou pas. Des neut d’enfar que jh’te dis !!! Dans l’temps, étant pu jhène, ol avet’au moins ine p’tite gât’rie d’temps en temps peur r’monté l’moral, mais astheur, pu quession. Si j’hai l’malheur d’la gratoché dans l’échine peur zi feire comprenre c’que jh’veurié, m’fet traité d’vieux satyre.

Bin, dans thiés conditions, peurquouè vas-tu pas couché dan’ine aute chambe ?

Jhe yé bin songhé, mais faut vouère coument qu’jh’ai été r’çu ; d’abord, à m’a dis qu’al avet pas envie d’lavé deux paire de drap à chaque cot. Tu m’dira qu’un cot tous les six mois, ol é pas quand minme pas ine affeire. Et pis, à l’a rajhouté qu’jh’étions mariés sous l’réghime d’la coummunauté et qu’o f’let tout partaghé, l’bon coume le mauvais, et qu’enfin, à veut pas rasté toute seule la neut au cas ousqu’à s’sentirait pas beun’. Jhe yé dit qu’o fauret qu’à l’eille l’nez bin bouché peur pas s’senti !

Vouèlâ ou jh’en seut, ma paure ; jh’en seut’ minme à me d’mandé si l’grand Saint Piarre fèt pas l’ouvraghe bintout, si o faura pas qu’o seille mé, pace qu’ol é pu tenabye ! Jhe seu sûr qu’la prison, o s’ra l’Paradis à coûté de c’que jh’endure !

Des nuits d’enfer

Dans le temps, quand j’étais jeune, (ça fait un sacré moment de ça), j’avais comme voisin un dénommé Arsène; il avait un couple d’années de moins que moi mais il était toujours venu me trouver. Après, en, prenant de l’âge vous savez ce qu’il en est, chacun va de son côté ; nous nous sommes mariés et lui il s’en est allé dans les Pays Bas chez sa bourgeoise, si bien que nous nous voyons quasiment plus.

Ça fait un couple de mois maintenant, par hasard, nous nous sommes rencontrés à la foire de Matha.

Bien entendu, quand on a été longtemps sans se voir, ce ne sont pas les sujets de conversation qui manquent.

Tout en bavardant, je voyais ce gars qui baillait sans discontinuer en ouvrant la bouche à y enfourner un pain de cinq livres.

Je lui dis : t’as pas l’air à ton affaire aujourd’hui à ce qu’on dirait !

Si c’était qu’aujourd’hui qu’il me répond, mais c’est ainsi tous les jours ! je ne dors pas la moitié de mon saoul !

Et tu n’as pas essayé un médicament pour ça ?

Mon pauvre qu’il dit, il y aurait qu’un remède, mais ça m’enverrait en prison pour le restant de mes jours.

Voyons, explique moi ça, parce que je n’y comprends rien à ton histoire.

Eh bien, tout ça, c’est à cause de ma femme. Oh ça ne dure pas d’aujourd’hui, mais plus ça va, plus c’est insupportable.

D’abord, il n’y a qu’elle qui compte ; elle n’arrête pas de gémir pour un oui ou pour un non, mais si j’ai le malheur de me plaindre, même si j’ai grand mal, c’est que je suis un pauvre douillet. Une fois, j’ai même manqué en crever parce qu’elle n’avait pas voulu faire venir le médecin en prétendant que ça finirait bien par passer tout seul.

Oui, mais c’est quand même pas ça qui te fait bailler !

Bien sûr que non, mais j’y viens. C’est surtout quand on est couchés que ça devient insupportable; l’hiver, elle a toujours froid et pendant la nuit, elle rassemble toutes les couvertures sur elle. Le temps que le froid me réveille, je suis comme un glaçon, ce qui fait que je ne désenrhume pas l’hiver. Inutile de te dire que je passe le restant de la nuit a trembler de toute ma pauvre carcasse au lieu de dormir.

Oui, mais en cette saison maintenant qu’il fait bon, tu peux dormir tout ton saoul.

Ah, tu crois ça ! Madame, quand ça la prend, elle a des bouffées de chaleur qu’elle dit, et là, elle me repousse toutes les couvertures sur le dos. Quand ça finit par me réveiller, je suis trempé comme une soupe, mais une heure après, quand elle est refroidie, elle ramène tout sur elle et je me retrouve comme le petit Jésus, tremblant comme une feuille. Mais c’est pas tout, figure toi qu’elle ronfle à longueur de nuit comme une machine à battre et j’ai beau me boucher les oreilles avec des bouchons de coton, rien n’y fait.

Si j’ai le malheur de lui dire, elle prétend que ce sont mes ronflements qui me réveillent. Mais, le pire, mais je ne sais pas si je dois te dire une chose pareille !

Si, si, n’est pas peur, ça craint rien, je n’irais pas le raconter.

Eh bien, c’est qu’à longueur de nuit, il y a l’orage sans arrêt dans ce lit ; le tonnerre n’arrête pas ! Et je peux te dire  que c’est bien pire que l’orage parce qu’il n’ a pas que le bruit.

Leur pollution à Paris, ce n’est rien à  côté de ce que je subis à longueur d’année, anti cyclone ou pas. Des nuits d’enfer que je te dis !!!

Dans le temps, étant plus jeune, il y avait au moins une petite gâterie, de temps en temps pour remonter le moral, mais aujourd’hui, plus question. Si j’ai le malheur de la gratouiller dans le dos pour lui faire comprendre ce que je voudrais, je me fais traiter de vieux satyre.

Bien, dans ces conditions, pourquoi tu ne vas pas coucher dans une autre chambre ?

J’y ai bien pensé, mais il faut voir comment j’ai été reçu ; d’abord,  elle m’a dit qu’elle n’avait pas envie de laver deux paires de draps à chaque fois. Tu me diras qu’une fois tous les six mois c’est quand même pas une affaire. Et puis qu’elle a rajouté que nous étions mariés sous le régime de la communauté et qu’il fallait tout partager, le bon comme le mauvais, et qu’enfin, qu’elle ne veut pas rester seule toute la nuit au cas où elle ne se sentirait pas bien. Je lui ai dit qu’il faudrait qu’elle ait le nez bien bouché pour ne pas se sentir !

Voilà où j’en suis, mon pauvre; j’en suis même à me demander si le grand Saint Pierre ne ferait pas son travail bientôt, si il ne faudrait pas que ce soit moi parce que ce n’est plus tenable !

Je suis sûr qu’à la prison, ce serait  le paradis à côté de ce que j’endure !

 

par  Guy Chartier (Jhustine) Boutillon n° 35 avril – mai 2014

Revue Bernancio

Traduction JP Bouchet ALT – 5- 2024



28/06/2024
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