Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Boune paeche

Boune pàeche

 

Pêches - Produits - Cuisine française

 

Dessu la tablle de la çheùsine, ol at deùs pàeches. Yine, i l’ajheti au marchai dau borc a in afiour d’içhaulun. Gunfllàie, boube, pea rojhe de velour, al ét vrae machouse, pi qu’al éjhe pa de sente, enrére. La deùsiaeme, chétie, in poe grimelàie, pigassàie de nér, i la ramassi den noutre jhardrin, debas le paechàe maegrlin naessu d’in burbangue garochai nuncholousement lae ol at de çheù troes quatre annàies. Al at in sent-a-bun que l’àutre, cragne pi déghignouse, dét  jhalousàe, pr de sur !

Quant que te grujhes la prmére, te recraches oussetout la chaer farinouse sen gout ni gouasse. La fallie, lai, darére sun rimajhe zirablle pi sa pea in poe rachouse, cape in saboui de prmére çhi me renvéye tot cuntant den le jhardrin patrnàu decuntre le vieùs poes voure qu’i m’assitàe petit draule su la dorne pr sapàe lés abréns goujhais de soulall, bedun core su lés couteas voure que, enpràe d’avoer rapallai le Noa, l’Obrlin bedun l’Otélo, i nous goujhiun de pàeches de vegne sapablles queme le Frut Défengdu.

Çhés pilots de frutajhes lusents, calibrais, çhi venant a daus foes de vrae logn pi çhi décrolant su lés éparajhes daus super-marchais, le senbllant a noutre souciétai : tot den l’aparajhe, rén en-deden !

Sur la table de la cuisine reposent deux pêches. L'une, je l'ai achetée sur le marché du bourg à un producteur local. Gonflée, joufflue, peau rouge veloutée, elle est très appétissante, bien qu'inodore, pourtant. La seconde, chétive, un peu ridée, piquetée de noir, je l'ai ramassée dans notre jardin, sous le pêcher maigrichon né d'un noyau négligemment jeté là voilà trois- quatre ans. Elle dégage un parfum que l’autre, fière et dédaigneuse, ne peut manquer de lui envier.

Quand tu croques la première, la chair farineuse et insipide est immédiatement recrachée. La chétive, elle, sous son physique ingrat et sa peau un peu rêche cache une saveur exquise qui me renvoie illico dans le jardin paternel près du vieux puits sur la margelle duquel je m'asseyais, enfant, pour déguster les fruits gonflés de soleil, ou encore sur les coteaux ou, après avoir grapillé le Noah, l’Oberlin ou l'Othello on se gavait de pêches de vignes savoureuses comme le Fruit Défendu.

Ces monceaux de fruits luisants, calibrés, acheminés parfois de très loin sous lesquels croulent les étals du super-marché, sont tout à fait à l'image de notre société : tout dans le paraître, rien à l’intérieur !

 

 

(Écriture et traduction du poitevin-saintongeais en français de Boune pàeche, Jacques Braud)

(Union Pour la Culture Populaire en Poitou-Charentes et Vendée)

 

ALT-5-2022-JPB



11/06/2022
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