Autrefois la Tranche

Autrefois la Tranche

Le renard, les mouches et le hérisson

Le renard, les mouches et le hérisson

 

Fables de La Fontaine - Le renard, les mouches, et le hérisson - YouTube

 

Lé r’nard, les mouches et l’hérissin

 

In r’nard, qu’avét été tchiré à bell’ portaïe

Q’avet  in t’cheusse et pis la quoue en perdjiction,

Etet timbé su la bourraïe

Dans l’ bouessin d’  l’ouche à Pierr’ Beurgin

Sauf le respect qu’i v’ dé à couté d’ ses communs.

Etet pouet ine adret peur fair’ la merionaïe.

C’ m o faset in’ chalur, tcho jour

Keum si l’ djabe avet chauffé l’ four,

Lés mouch’s étions si agnimaïes

Qu’a s’ bourriront d’ssus illi keum su in’ baït’ keurvaïe.

Keum sin sang pisset tout d’ filet,

V’ pensez qu’autour de la segnaïe

Ol avet in’ bell’ piâcraïe.

Pis , avec in’ quoue keum l’ avet,

Autant djir’ qu’étet inserviabe

Etet bè kier et bé voyabe

Qu’i aret pouet ésé d’ s’émouch’ter.

« Mon Djeu, si tchés salop’ries d’ poules

Avions s’ment din tésé lu goule !

Fit-euil, en s’ demalant tout hao,

I s’ra pas là d’ tchés hur’s amurgné su min hao.

 

Pis v’ keriez qu’ést pas bisquant d’ouère

Que tchés salop’ries d’mouch’s peurfitont d’ ma misère

Peur me tchirer min dergner sang !

A sont si enragaïes d’cho temps

Qu’a m’ trainneriont be tot vivant

A la porte dau cimentère ! »

Pendant qu’i étet en train d’ parler,

In hérissin, qu’avet l’tcheur tendre,

Et s’étet approché dau bouéssin peur l’entendre,

S’en v’gnit illi d’mander c’ qu’ol avet.

« Mon Djeu, illi djissit-euil, qu’ lés hommm’s sont haïssabies

Avec lus chins pis lus fusils !

Voyez dans l’état que l’ m’ont mis !

V’ keriez qu’ést pas daux misérabies

D’ abraser les gens pareillement ! »

Pis, peur crêtre encor min tourment,

Djir’ que tchés mouch’s sont si voraces

Qu’ a s’en v’nont m’ dévorer su piace !

A sont si enragaïes d’cho temps,

Et pis a m’en fasont tant ouère

Qu’a m’ traînneriont  bé tot vivant

A la porte dau cimentère !

Si ol a qu’ tcheu peur  ve  geinner,

I va d’abord me mettre en p’lote

Et m’ lésser timber d’ssus c’m in’ motte ;

Après tcheu, avec mes piquants,

I m’en va , et en in rin d’ temps,

Les embrocher keum daux gueurnoilles

Et les raballer keum daux poilles.

Kement ! v’ veurleuter su min mao !

V’ keriez qu’o s’ret pas trop d’ suppiice !

Ah ! ve  m’feriez sauter d’bès saos !

Pis ést poet c’ qui m’ rendret service :

A caus’ tchaïes qu’avont bu min sang

Sont saoul’s  à pu près d’ tcho moument,

Mé, auss’ tout qu’a seriont chassaïes,

Ol en vindret d’ pus affamaïes,

Qu’empireriont encor min sort

Et seriont p’t-êt caos d’ ma mort.

I eum’ bé meux qu’ ve m’ lessiez tranquille.

 

Pisque v’s avet pas besoin d’ ma,

I m’en va aller ouèr’ peur là

Si i trouv’re pas quuqu’s lumas.

 

Tu f’ras pas mal, pauvre imbécile !

Fis le r’nard en grognant tout bas,

I vux pouet courir après ta ! »

Astur’, tchés qui sont raisounabïes

Verront deux moral’s dans tchett’ fabiie :

 

Qu’in sot ami

Est souvent pus geignnant qu’ utchile ;

Aussi gardez-v’ daux imbéciles !

 

 

 

 

Le renard, les mouches et le hérisson.

 

Un renard, qui avait été tiré de loin

Qui avait une patte et puis la queue en perdition

Était tombé sur de la paille

Dans le buisson du jardin de Pierre Beurgin

Sauf le respect que je vous dois à côté des WC.

C’était pas un endroit pour faire la sieste.

Comme il faisait très chaud ce jour-là

Comme si le diable avait chauffé le four,

Les mouches étaient si énervées

Qu’elles se précipitaient sur lui comme sur une

bête crevée.

Comme son sang pissait en filet,

Vous pensez qu’autour de la saignée

Il y  avait une belle croûte.

Puis, avec une queue comme il avait,

Autant dire  que c’était insupportable.

C’était bien clair et bien visible

Qu’il  aurait  pas aisément chassé les mouches.

« Mon Dieu, si ces saloperies de poules

Avaient seulement tu leurs caquets !

Fit-il, en se plaignant tout haut,

Je serais pas là de ces heures appuyé sur mon devant.

Puis vous croyez que c’est pas vexant de voir

Que ces saloperies de mouches profitent de ma misère

Pour me tirer mon dernier sang !

Elles sont si enragées de ce temps

Qu’elles me traîneraient bien tout vivant

A la porte du cimetière ! »

Pendant qu’il parlait,

Un hérisson qui avait le cœur tendre,

Et s’était approché du buisson pour l’entendre,

Vint lui demander ce qu’il y  avait.

« Mon Dieu, lui dit-il, que les hommes sont 

détestables

Avec leurs chiens et leurs fusils !

Voyez dans quel état ils m’ont mis !

Vous croyez que c’est pas des misérables

De faire souffrir  les gens ainsi ! »

Puis, pour accroître encore ma peine,

Dire que ces mouches sont si voraces

Qu’elles s’en viennent me dévorer sur place !

Elles sont si enragées de ce temps,

Et puis elles m’en font tant voir

Qu’elles me traîneront bien tout vivant

A la porte du cimetière !

Si il n’y a que ça pour vous gêner,

Je vais d’abord me mettre en pelote

Et me laisser tomber dessus comme un poids ;

Après ça, avec mes piquants,

Je m’en vais en un rien de temps,

Les embrocher comme des grenouilles

Et les ramasser comme des poils.

Comment ! vous  vous rouleriez sur mon mal !

Vous croyez que ce ne serait pas trop de supplice !

Ah ! Vous me feriez avoir de beaux sauts !

Puis c’est pas ce qui me rendrait service :

Parce  que celles qui ont bu mon sang

Sont soûles en ce moment,

Mais aussitôt qu’elles seront chassées,

Il en viendrait de plus affamées,

Qui empireraient encore mon sort

Et seraient peut-être cause de ma mort.

J’aime bien mieux que vous me laissiez tranquille.

 

Puisque vous n’avez pas besoin de moi,

Je m’en vais aller voir par là

Si je trouve pas quelques escargots.

 

Tu ferais pas mal, pauvre imbécile !

Fis le renard en grognant tout bas,

Je vais pas courir après toi ! »

Maintenant, ceux qui sont raisonnables

Verront la morale de cette fable :

 

Qu’un ami sot

Est souvent plus gênant qu’utile ;

Aussi gardez-vous des imbéclies !

 

 

 

ALT 4-2023 - Rédaction et traduction Jean-Pierre Bouchet

Tiré du livre d'Eugène Charier : fables en parler vendéen.



17/04/2023
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