Le renard, les mouches et le hérisson
Le renard, les mouches et le hérisson
Lé r’nard, les mouches et l’hérissin
In r’nard, qu’avét été tchiré à bell’ portaïe Q’avet in t’cheusse et pis la quoue en perdjiction, Etet timbé su la bourraïe Dans l’ bouessin d’ l’ouche à Pierr’ Beurgin Sauf le respect qu’i v’ dé à couté d’ ses communs. Etet pouet ine adret peur fair’ la merionaïe. C’ m o faset in’ chalur, tcho jour Keum si l’ djabe avet chauffé l’ four, Lés mouch’s étions si agnimaïes Qu’a s’ bourriront d’ssus illi keum su in’ baït’ keurvaïe. Keum sin sang pisset tout d’ filet, V’ pensez qu’autour de la segnaïe Ol avet in’ bell’ piâcraïe. Pis , avec in’ quoue keum l’ avet, Autant djir’ qu’étet inserviabe Etet bè kier et bé voyabe Qu’i aret pouet ésé d’ s’émouch’ter. « Mon Djeu, si tchés salop’ries d’ poules Avions s’ment din tésé lu goule ! Fit-euil, en s’ demalant tout hao, I s’ra pas là d’ tchés hur’s amurgné su min hao.
Pis v’ keriez qu’ést pas bisquant d’ouère Que tchés salop’ries d’mouch’s peurfitont d’ ma misère Peur me tchirer min dergner sang ! A sont si enragaïes d’cho temps Qu’a m’ trainneriont be tot vivant A la porte dau cimentère ! » Pendant qu’i étet en train d’ parler, In hérissin, qu’avet l’tcheur tendre, Et s’étet approché dau bouéssin peur l’entendre, S’en v’gnit illi d’mander c’ qu’ol avet. « Mon Djeu, illi djissit-euil, qu’ lés hommm’s sont haïssabies Avec lus chins pis lus fusils ! Voyez dans l’état que l’ m’ont mis ! V’ keriez qu’ést pas daux misérabies D’ abraser les gens pareillement ! » Pis, peur crêtre encor min tourment, Djir’ que tchés mouch’s sont si voraces Qu’ a s’en v’nont m’ dévorer su piace ! A sont si enragaïes d’cho temps, Et pis a m’en fasont tant ouère Qu’a m’ traînneriont bé tot vivant A la porte dau cimentère ! Si ol a qu’ tcheu peur ve geinner, I va d’abord me mettre en p’lote Et m’ lésser timber d’ssus c’m in’ motte ; Après tcheu, avec mes piquants, I m’en va , et en in rin d’ temps, Les embrocher keum daux gueurnoilles Et les raballer keum daux poilles. Kement ! v’ veurleuter su min mao ! V’ keriez qu’o s’ret pas trop d’ suppiice ! Ah ! ve m’feriez sauter d’bès saos ! Pis ést poet c’ qui m’ rendret service : A caus’ tchaïes qu’avont bu min sang Sont saoul’s à pu près d’ tcho moument, Mé, auss’ tout qu’a seriont chassaïes, Ol en vindret d’ pus affamaïes, Qu’empireriont encor min sort Et seriont p’t-êt caos d’ ma mort. I eum’ bé meux qu’ ve m’ lessiez tranquille.
Pisque v’s avet pas besoin d’ ma, I m’en va aller ouèr’ peur là Si i trouv’re pas quuqu’s lumas.
Tu f’ras pas mal, pauvre imbécile ! Fis le r’nard en grognant tout bas, I vux pouet courir après ta ! » Astur’, tchés qui sont raisounabïes Verront deux moral’s dans tchett’ fabiie :
Qu’in sot ami Est souvent pus geignnant qu’ utchile ; Aussi gardez-v’ daux imbéciles !
|
Le renard, les mouches et le hérisson.
Un renard, qui avait été tiré de loin Qui avait une patte et puis la queue en perdition Était tombé sur de la paille Dans le buisson du jardin de Pierre Beurgin Sauf le respect que je vous dois à côté des WC. C’était pas un endroit pour faire la sieste. Comme il faisait très chaud ce jour-là Comme si le diable avait chauffé le four, Les mouches étaient si énervées Qu’elles se précipitaient sur lui comme sur une bête crevée. Comme son sang pissait en filet, Vous pensez qu’autour de la saignée Il y avait une belle croûte. Puis, avec une queue comme il avait, Autant dire que c’était insupportable. C’était bien clair et bien visible Qu’il aurait pas aisément chassé les mouches. « Mon Dieu, si ces saloperies de poules Avaient seulement tu leurs caquets ! Fit-il, en se plaignant tout haut, Je serais pas là de ces heures appuyé sur mon devant. Puis vous croyez que c’est pas vexant de voir Que ces saloperies de mouches profitent de ma misère Pour me tirer mon dernier sang ! Elles sont si enragées de ce temps Qu’elles me traîneraient bien tout vivant A la porte du cimetière ! » Pendant qu’il parlait, Un hérisson qui avait le cœur tendre, Et s’était approché du buisson pour l’entendre, Vint lui demander ce qu’il y avait. « Mon Dieu, lui dit-il, que les hommes sont détestables Avec leurs chiens et leurs fusils ! Voyez dans quel état ils m’ont mis ! Vous croyez que c’est pas des misérables De faire souffrir les gens ainsi ! » Puis, pour accroître encore ma peine, Dire que ces mouches sont si voraces Qu’elles s’en viennent me dévorer sur place ! Elles sont si enragées de ce temps, Et puis elles m’en font tant voir Qu’elles me traîneront bien tout vivant A la porte du cimetière ! Si il n’y a que ça pour vous gêner, Je vais d’abord me mettre en pelote Et me laisser tomber dessus comme un poids ; Après ça, avec mes piquants, Je m’en vais en un rien de temps, Les embrocher comme des grenouilles Et les ramasser comme des poils. Comment ! vous vous rouleriez sur mon mal ! Vous croyez que ce ne serait pas trop de supplice ! Ah ! Vous me feriez avoir de beaux sauts ! Puis c’est pas ce qui me rendrait service : Parce que celles qui ont bu mon sang Sont soûles en ce moment, Mais aussitôt qu’elles seront chassées, Il en viendrait de plus affamées, Qui empireraient encore mon sort Et seraient peut-être cause de ma mort. J’aime bien mieux que vous me laissiez tranquille.
Puisque vous n’avez pas besoin de moi, Je m’en vais aller voir par là Si je trouve pas quelques escargots.
Tu ferais pas mal, pauvre imbécile ! Fis le renard en grognant tout bas, Je vais pas courir après toi ! » Maintenant, ceux qui sont raisonnables Verront la morale de cette fable :
Qu’un ami sot Est souvent plus gênant qu’utile ; Aussi gardez-vous des imbéclies !
|
ALT 4-2023 - Rédaction et traduction Jean-Pierre Bouchet
Tiré du livre d'Eugène Charier : fables en parler vendéen.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 181 autres membres